Il ne sait plus où il en est ; il se trouve sur un chemin qui se sépare, mais qui semble en même temps se recouper. Il se scinde tout en restant unique ; il est perdu, au milieu de la forêt, loin de son départ et loin d'arriver. Quand il regarde à droite, il y voit sa promise, celle avec qui il veut passer sa vie, pure et patiente ; à gauche, voilà l'alter ego à la sexualité débordante, chaude et coquine. Plus haut sur son chemin, il pensait avoir suivi la première, pensait avoir fait son choix, ne plus avoir besoin d'y revenir ; l'aval qu'il aperçoit semble si différent, si inconnu, et pourtant si tentant.

Il les regarde, avec ces yeux envieux, emplis de désirs différents mais puissants. À droite, ses cheveux mi-longs, encadrent avec blondeur le bonheur tranquille de son visage ; à gauche, sa queue de cheval brune se dandine avec attrait. La joue fatiguée, elle est habillée naturellement, ce qui la rend chérissable ; l'œil vif légèrement plissé soulève ses pommettes en un rictus de joie.

Les deux l'attirent, tel un marin vers une sirène. Il en sait sur chacune, s'inquiète pour les deux, veut embrasser l'une et l'autre. Si physiquement différentes, mais si proches qu'elles en deviennent une seule et même. Et lui si identique, si uniforme, si inexpressif, si perdu. Parfois il s'imagine avec l'une, puis avec l'autre. Ses pieds lui échappent, le forçant à avancer. Il s'en défend ardemment, souhaite prendre tout son temps. Il zigzague, hésite, trébuche ; son cœur le mène aux deux, son corps ne sait choisir.

Et les chemins se flouent de nouveau, se combinent, se confondent. Les yeux de l'une côtoient les cheveux de l'autre ; la douceur accompagne la chaleur. Les corps se mêlent, joignent jambes et torse en un hybride terriblement désirable. Elles ne disent mot ; mais si elles le pouvaient elles se compléteraient, combleraient qualités et défauts. Il se voit les câliner, leur parler, les faire rire ; il entend sa parole, sa taquinerie, sa réponse, son rire. Il la regarde encore, lui caresse la jambe ; elle est regardée encore, se fait caresser la jambe. Et sous leur nez, il y cherche leur sourire, mais en vain. À droite, à gauche, il n'y a que son propre sourire, un brin gêné, crispé, tendu. Leur paire d'yeux l'invitent, mais ses lèvres lui soufflent de partir, de tout quitter, tout rejeter, de disparaître. Mais où qu'il aille, ses dents lui barrent le passage, égales, imposantes, indifférenciées.