Assise sur un banc de bois blanc, elle cache son visage dans ses bras croisés, les yeux clos. Il s'assoit sur la banquette, la regarde un peu, puis la salue. Avec vivacité, elle relève la tête, comme un enfant que l'on prendrait en train de manger des bonbons, en cachette, la nuit. Deux petits sourires s'échangent, et finalement elle se frotte les yeux, plus machinalement que pour apaiser une démangeaison. Il demande la raison de sa mélancolie ; elle ne sait quoi répondre, mais elle le fait tout de même en énumérant quelques points cruciaux de sa tristesse passagère. Pour la fin, elle évoque sa petite taille, s'en annonçant triste et la présentant comme le symbole de son existence : elle ne toise rien, ne voit rien, ne sent pas le vent frais survolant la foule épaisse. Avec un demi-sourire, écho à sa stature impressionnante, il la contredit doucement. Pour prouver ses dires, elle le soulève et se dresse, comparant leur taille, une affaire aisée tant la différence est flagrante. Sans se démonter, il la contredit de nouveau. Avant de le laisser parler, elle peste de manière presque inaudible, arguant qu'elle ne sait pas être toujours heureuse comme il l'est. Il l'entend mais fait mine d'être sourd, et prend la parole.
« Tu es plus grande que moi, parfois.
– Tu mens.
– Non, regarde. »
Il se baisse après s'être assis, tandis qu'elle reste debout. Avec un œil amusé, il la regarde en contre-plongée.
« Tu vois, tu es plus grande que moi.
– Tu triches, tu es assis.
– Je ne triche pas. Que je sois assis ou que je sois debout, j'ai une certaine vision du monde. Toi, tu as la tienne, qui n'est ni meilleure ni moins bonne, ni plus grande, ni plus petite, seulement différente. Et ma vision du monde n'est pas difficile à adopter, regarde. »
Il sort deux caisses en bois de derrière son assise, et les présente à son interlocutrice.
« Monte. »
Elle s'exécute rapidement, et grimpe sur les caisses empilées. Il se lève, et la regarde dans les yeux.
« Tu vois, tu fais ma taille, à présent. Je change de vision du monde comme je change de taille, et je change ainsi de bonheur à chaque instant. J'en change parfois plus vite que prévu. Mais, tu sais, les plus grandes montagnes, si elles sont faites de sable, seront toujours moins résistantes que les collines d'acier. Deviens d'acier, et tu ne m'envieras plus. Montre-moi ta force et ta grandeur intérieures, et je m'inclinerai. »
Avec un sourire, elle le regarde, le visage tendu vers le ciel, et l'enlace.