Mon coeur plonge. Il est 19h27 et la nuit est noire, le train est vide et mon corps fébrile se rappelle de tes mains, de ta bouche, de ton souffle sur ma nuque, sur mes lèvres... injuste.
Je ne comprends pas ce qui te pousse à venir vers moi, rien de ce que je peux tenter de croire n'a de rationnel. Les choses ne se font pas comme elles devraient l'être... je ne peux pas être courageuse dans une telle situation et mes larmes maintes fois ravalées en ta présence dévalent sur mes joues rougies par le froid.
Je me sens encore plus seule que lorsque tu n'étais pas dans mon sillage. Je ne t'aime pas pour autant. Mais il y a quelque chose de profondément injuste, et blessant. Peut-être qu'en l'espace de ces trois jours je me suis attachée davantage que je ne l'aurais pensé, peut-être que je me mentais avec lâcheté... sûrement même.
"J'aimerais baisser tes yeux douteux, j'aimerais chasser ta nostalgie..."
Je languis de l'odeur du tabac froid, cette odeur écoeurante mais qui me rappelle la réalité hideuse des choses. Je me torture l'esprit. Quelque part, j'ai confiance à présent en ma capacité à plaire. Mais plaire... et te plaire... ce n'est pas la même chose. Nous n'en sommes pas au même point de notre vie. Tu penses à elle, tandis que je cherche ton attention en vain. Ça te flatte, cette fille qui s'inquiète de toi, ça pique ta curiosité, cette fille qui les enchaine mais les abandonne pour toi. Mais ça t'ennuie aussi, ça n'est pas pareil que l'envoûtement qu'exerce encore sur toi ton Aix... et j'ai beau me jeter à corps perdu, il n'est rien de plus indigne qu'une fille perdue. Et tu me perds. Je ne peux pas baisser mes barrières pour autant. Je ne pense pas que tu t'en rendes compte mais il est des choses pour lesquelles je te mens, pour lesquelles je me trouve des excuses et des histoires. Je refuse d'être nue devant tes yeux alors que tu ne parviens pas à voir la valeur de ce que je suis prête à te proposer.
Frivole. Tu me sens sans doute de cette manière. Passagère, je n'en ai aucun doute. Cette crémaillère, ce verre, tant de choses qui ne sont que des éventualités floues. Tu ne me vois pas dans le futur que tu te dessines. Tout s'arrête dans cette gare. Tu ne peux même pas m'accorder le quart d'heure d'attente de mon train. Rien ne te retient.
Mais moi. Je souffre, je ravale ma fierté, mes larmes et mon âme crie en cage. Mais je ne te le montrerai jamais. Dans cette jeunesse abyssale, je me perdrais, j'hédoniserais comme je le peux, sur ce dernier verre, cette dernière parole, ces sous entendus que tu ne saisis pas mais lourds de sens pourtant.
Ton oreille sourde à mes cris. Mais d'autres me divertissent, je n'en doute absolument pas. Je cicatriserai.
Les verres s'enchaînent et la musique bourdonne à mes oreilles. Ma tête se perd dans les méandres de ces réflexions bancales. Tout ce que tu me racontes se contredit. Tu me contredis et te contredis.
Je suis à tes pieds et tu me refoules au loin, plus loin dans le noir et l'obscurité de ces sentiments sans réciprocité. Tu as peur que je te marque, de t'attacher. Alors tu joues à ces jeux dont tu nies l'existence. Mon coeur écorché à vif saigne ces mots : mais tu refuses leur existence, tu refuses et me retourne le blâme.
J'aimerais garder mes actions sous contrôle. Mais mes impressions défectueuses effacent mes fautes et gardent la nostalgie de ta tendresse feinte. Je t'aurais tout offert, mais ton étreinte comme la présence d'une plume s'est envolé sous la brise. La nuit ternit le souvenir de nos derniers instants. Ne reste plus que l'orage de mes pensées en bataille.