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 Los Caprichos [S]
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Meredith Epiolari

Meredith Epiolari

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MessageSujet: Re: Los Caprichos [S]   Los Caprichos [S] - Page 3 EmptyJeu 13 Aoû - 23:08

34) Barbara :

Elle a été pour moi comme une réconciliation. Elle lisait sur un banc du jardin public un roman de Proust et ses cheveux blonds brillaient au soleil. Lorsque qu'elle a remarqué que je la regardais, elle a refermé son livre et a fait un signe pour que je vienne.
J'ai approché prudemment. Je craignais à une ruse de femme, une nouvelle fourberie. Elle a pris ma main pour m'asseoir à ses côtés. C'était un contact étrange venant d'une étrangère, d'autant qu'elle l'a retenue un moment pour déclarer :
Comme tu as dû souffrir.
Je n'ai pas pu la contredire, bien que n'ayant aucune idée de comment elle était parvenue à connaître cette information.
Elle a porté sa main à mon visage et l'a exploré délicatement. Il y avait tant de respect dans ses gestes que j'ai pensé à Bertille qui ouvrait chaque livre avec cette même douceur par crainte de les abîmer.
J'avais tous les muscles tendus chaque fois qu'elle m'effleurait, comme si je m'attendais à ce qu'elle me frappe par la suite. Elle a dû le sentir, parce qu'elle a murmuré :
Laisse-toi aller, tu veux ? Je ne vais pas te manger... Tu as l'air d'une bête effrayée. On dirait qu'il faut attendre pour te caresser, que tu risques de t'enfuir si l'on essaie de te toucher.
Comme elle avait raison ! Je ne songeais qu'à m'enfuir avant que cette femme ne montre son vrai visage et ne me dévore.
Pourtant Barbara me caressait le visage, le cou et les cheveux sans se départir de cette extrême délicatesse. Aussi ai-je fini par fermer les yeux et m'abandonner à cette femme qui pour la première fois ne semblait ni m'ignorer ni me repousser.
Elle ne s'est arrêtée que des heures plus tard, juste après avoir essuyé une larme sur ma joue.
 
Meredith Epiolari

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MessageSujet: Re: Los Caprichos [S]   Los Caprichos [S] - Page 3 EmptyJeu 13 Aoû - 23:12

35) Aglaé :

Mes souffrances cependant n'étaient pas terminées, car j'avais une forte inclination pour les femmes cruelles, celles que je recherchais dans la froideur des tableaux durant mon enfance.
Pour Aglaé, je n'étais qu'un caprice. Je me souviens avoir pensé qu'elle était l'amour de ma vie. Mais j'avais l'amour facile en ce temps-là, et je me demande si le charme que je lui prêtais n'était pas celui du piano.
Je me souviens du noir élégant, des courbes belles comme celles d'une femme, de l'odeur distinguée de l'instrument de qualité et des touches blanches et fragiles qui invitaient subtilement les doigts.
Elle était belle, elle aussi. Surtout quand elle jouait. Elle ne jouait pas du piano debout, mais j'aimais la manière dont elle s'installait.
Elle s'asseyait prudemment, elle remontait ses manches, elle joignait ses mains pour s'étirer puis elle les séparait, elle agitait les doigts et elle commençait à les laisser courir sur les touches. Puis le temps s'arrêtait.
Il me semble qu'elle n'avait pas besoin de tout ce cinéma pour jouer. Elle aimait en mettre plein la vue. Cela m'était égal, je tombais dans tous ses pièges.
Et puis, elle avait du génie tout de même. Elle en était consciente. Elle était le genre de fille qui excellait dans tout ce qu'elle entreprenait ou n'entreprenait pas, y compris me tuer à petit feu. Un peu hautaine, peut-être ? Dans ce cas j'aimais son air hautain.
C'était beau d'aimer quelqu'un d'aussi talentueux. Je crois qu'elle me méprisait un peu, cela m'était égal. Moi aussi je me méprisais un peu.
Un jour elle a fini par se lasser de moi, tout comme elle finissait par se lasser de tout. Je m'y attendais. Elle était plus amoureuse de l'image que renvoyaient mes yeux que d'autre chose. Je n'ai été que l'amour de sa vie d'un moment.
Je la soutiendrai dans toutes ses passions, qu'importe leur durée, car c'est de la passion que naît le talent que je lui souhaite toute la gloire possible. J'espère seulement qu'elle ne se lassera pas du piano.
 
Eilift

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MessageSujet: Re: Los Caprichos [S]   Los Caprichos [S] - Page 3 EmptyDim 16 Aoû - 8:50

Eh bien... je les ai tous relus et lus (comme j'avais du retard :3). C'est impressionnant comment tu arrives à dépeindre chaque femme d'une façon différente et on voit bien que pour le narrateur, elles sont toutes uniques, je trouve ça magique *^*
Je n'arriverai pas à dire non plus que j'en ai plus préféré un d'un autre puisqu'ils ne me semblent pas comparables vraiment... En tous cas, continue, c'est vraiment super cool et j'ai hâte de lire la suite /o/
 
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MessageSujet: Re: Los Caprichos [S]   Los Caprichos [S] - Page 3 EmptyDim 16 Aoû - 14:56

Merci Lu, ton commentaire m'a fait très plaisir :3

36) Dalila :

C'était une fête, peut-être bien celle d'un ami de Jimmy, je ne me souviens plus. Nous avions entrepris une promenade nocturne dans les environs. Elle avait un peu bu et je la surveillais pour lui éviter un danger ou une mauvaise rencontre, sans avoir la certitude de ne pas être l'un ou l'autre.
Les Autres s'étaient éloignés. Ils déliraient un peu, mais ils marchaient droit. Elle un peu moins. Je n'avais pas bu, je craignais de mélanger l'alcool et les femmes.
Elle me racontait des bêtises et s'interrompait parfois :
T'es en train de me surveiller ? Avoue, tu me surveilles ? Je veux pas qu'on me surveille, j'ai pas besoin !
Je protestais que je ne faisais que marcher à son allure, que c'était elle qui me suivait et me tenait compagnie. Elle ne devait pas avoir les idées suffisamment claires pour répliquer. Elle s'est mise à courir et je l'ai suivie.
Elle s'est arrêtée au bord de la route pour regarder une voiture passer. Je l'ai prise contre moi pour qu'elle ne s'échappe pas pour filer sous ses roues. On ne savait jamais avec Dalila.
Je l'ai serrée sur mon torse peut-être plus près et plus longtemps que je ne l'aurais dû. Le danger écarté, elle s'est retournée et a joué avec mes cheveux.
Tu devrais les couper !
J'ai souri. Évidemment que je devais les couper.
Tu veux pas m'embrasser, dis ?
J'ai éludé la question et l'ai entraînée sur le parking d'un supermarché. Elle a sauté dans un chariot et a continué a déblatérer :
Je savais que c'était pas possible entre nous. Toi tu aurais pu mourir pour un vers. Moi, pas. Il me faut au moins une bouteille pour en arriver là !
Je ne savais pas quoi répondre. Je n'ai pas eu à le faire, j'ai dû l'aider à vomir. Elle continuait malgré tout à jouer avec mes cheveux en répétant que c'était dommage.
Le pire pour moi était la tentation d'abandonner mon rôle d'ange gardien. Elle était si belle ! Elle se serait offerte à moi, et le lendemain elle ne serait souvenue de rien.
J'ai secoué la tête pour chasser ces pensées. Je l'ai ramenée sur les lieux de la fête et je l'ai couchée. Je l'ai veillée toute la nuit sans rien exiger. Et le lendemain, elle ne s'est souvenue de rien.


Dernière édition par Meredith Epiolari le Dim 16 Aoû - 14:59, édité 1 fois
 
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MessageSujet: Re: Los Caprichos [S]   Los Caprichos [S] - Page 3 EmptyDim 16 Aoû - 14:58

37) Léa :

Elle me parlait toujours d'un Autre qui n'était jamais le même entre deux rencontres. Je ne sais pas ce qu'elle cherchait. Elle avait un léger défaut sur l'une des incisives et une tendance à cligner souvent de l’œil droit. Le tout en faisait un personnage séduisant.
Parfois, j'avais envie de pleurer rien qu'en la regardant. Une sorte de candeur dans ses traits. C'est qu'elle ne comprenait pas que moi aussi j'étais Autre.
Cependant, j'avais réussi à atteindre une forme d'abnégation, à m'oublier dans ses paroles, à effacer jusqu'au souvenir de mon amour pour elle. Il m'était apparu qu'elle ne s'intéresserait pas à moi en tant qu'Autre et que je ne pouvais que recueillir ses confidences avec bienveillance.
Elle parlait d'un type qui l'avait laissée essayer son skateboard. Je l'imaginais tenter de garder son équilibre tout en rejetant ses cheveux en arrière et se laisser guider par les bras de l'Autre autour d'elle. J'ai souri.
Elle a dû se remémorer cette étreinte, car elle a exprimé son envie de me serrer contre elle moi aussi. J'ignore si je devais lui rappeler de bons souvenir par la chaleur de mon corps ou si elle a découvert à ce moment ce que j'étais.
Ce ne serait, pensais-je, qu'une chaste marque d'affection. Elle s'est approchée, a entouré mon cou de ces bras et a attiré mon corps vers le sien. Il m'a semblé qu'elle était trop près, soudain.
Elle a entrepris de me faire tomber dans un fauteuil, puis elle a passé ses jambes autour de ma taille et les a croisées sur mes reins. J'ai eu un mouvement de recul.
Je ne comprenais pas ce qu'elle faisait. Je savais qu'elle ne m'aimait pas. C'était trop près pour quelqu'un que l'on aimait pas. Le doute, le merveilleux doute s'est emparé de moi, j'allais me laisser aller, la serrer plus fort...
Elle ne m'en a pas laissé le temps. Elle s'est écartée et est revenue au type du skateboard.
Je l'écoutais comme si rien ne s'était passé. Une crainte cependant dépassait toutes les autres : Léa avait-elle cherché à me charmer ?
Je savais cette jouissance qu'ont les femmes à plaire et à entrer dans le jeu de la séduction. Je savais que leurs caprices ne devaient pas être pris au sérieux. Je le savais, elle le savait aussi. Elle ne recommencerait pas.
 
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MessageSujet: Re: Los Caprichos [S]   Los Caprichos [S] - Page 3 EmptyDim 16 Aoû - 15:01

38) Anaïs :

Elle a dit qu'elle m'aimait, alors je l'ai crue. C'était la première fois qu'une femme m'exprimait si explicitement ses sentiments.
Je t'aime.
Comme cela était étrange. J'ai même pensé que j'avais mal entendu. Pourtant elle l'a répété comme cela plusieurs fois :
Je t'aime, je suis folle, pardon, je ne voulais pas...
Elle s'excusait, me remerciait, il me semblait que c'était à moi de le faire. Je n'arrivais pas à lui répondre, je l'aimais pourtant moi aussi.
Je l'ai embrassée pour ne pas avoir à parler. J'ai souri en pensant à Ophélie et j'ai pris garde à ne pas ouvrir trop la bouche. Elle avait l'air aussi surprise que moi mais elle a quand même pris ma main.
Nous deux pour un temps.
Elle aurait pu dire l'éternité, pour moi c'était pareil. Plus tard, nos mains se rencontraient à nouveau sur un piano à queue.
C'était curieux, très différent d'Aglaé. D'abord, elle ne s'asseyait jamais pour jouer, arguant qu'elle avait besoin que tout son corps soit disponible pour vivre la musique.
Ensuite, elle essayait de m'apprendre. Elle me montrait ce que je devais faire à la main droite, s'occupait de jouer la main gauche.
Notre synchronisation était un peu comme le reflet de notre complicité amoureuse. L'harmonie sonore devenait celle de notre couple, nous allions soupirs et silences, nos cœurs battaient au rythme des doubles croches, à l'unisson.
Puis nous avons joué à contretemps et nous n'avons plus tiré du pauvre instrument que des sons discordants.
Anaïs a déclaré qu'il était temps de changer de morceau et j'ai su qu'elle avait raison.
 
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MessageSujet: Re: Los Caprichos [S]   Los Caprichos [S] - Page 3 EmptyDim 16 Aoû - 15:04

39) Violette :

A force d'aimer des femmes peintures, je devais m'attendre à aimer une artiste peintre.
Tu seras mon modèle.
Avait décrété Violette. Il me semblait étrange qu'une femme me prenne pour modèle. Je me demandais quels attraits je pouvais avoir pour mériter un tel honneur. Je me pliais cependant au jeu.
Cela devait faire quelques semaines qu'elle peignait lorsqu'elle a annoncé :
Non, ce n'est pas ce que je veux.
J'ai pensé un instant qu'elle avait compris l'imposture, remarqué que je n'avais fait que me déguiser mais que j'étais Autre, qu'elle ne pouvait me prendre pour modèle.
J'étais loin du compte. Elle s'est approchée, a retiré ma chemise, mon pantalon, le reste. Je n'osais pas bouger mais je mourais de peur.
Elle n'a même pas effleuré ma peau. Elle est retournée à sa toile, a sondé mon corps du regard et a déclaré que c'était mieux. Elle a commencé à peindre.
Cela a duré un bon moment. Il y avait quelque chose gênant dans la nudité de nos rencontres. Je me sentais fragile. Elle ne semblait pas s'en rendre compte, elle discutait en peignant :
Tu sais, l'Art, le fameux Art avec un "A" majuscule, l'Art que l'on porte aux nues, c'est en fait une vaste blague. Tout ce qu'ils veulent, c'est de la chair à dévorer de leurs yeux de voyeurs. Ils parlent de la perfection, de la pureté des corps. Mon cul. Ces bourges ne sont que des gros vicelards.
En l'entendant parler ainsi, j'ai craint que son pinceau n'ait fait de moi un morceau de viande. Cependant lorsqu'elle a annoncé qu'elle avait terminé et a montré le résultat, j'ai reconnu que ce n'était pas le cas.
Il y avait dans sa manière de peindre beaucoup de pudeur, une élégance difficile à expliquer qui préservait mon intégrité. En même temps, je sentais à travers les aplats de couleurs qu'elle avait cerné mon personnage et qu'elle savait peut-être mieux que moi ce que j'étais.
Je ne le montrerai à personne, je ne veux pas qu'il puissent te violer de leurs sales regards.
Elle a déposé un baiser sur ma joue et a monté le tableau au grenier, le couvrant d'un drap blanc. Je crois qu'il y est toujours.
 
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MessageSujet: Re: Los Caprichos [S]   Los Caprichos [S] - Page 3 EmptyDim 16 Aoû - 15:06

40) Caroline :

Elle avait ce genre de beauté provocante que l'on prenait plaisir à regarder sans aucun respect. Ce genre de beauté provocante qui donnait envie de plonger dans son décolleté, de glisser le long de ses hanches ou de fixer ses fesses avec impertinence.
Elle n'avait pas visage. Juste un corps auquel mon pote Jimmy avait, comme beaucoup d'autres, longtemps pensé en se masturbant. Pauvre Jimmy.
J'ignore ce qu'elle me trouvait au juste. Elle savait que je n'aimais pas les filles quand elles possédaient son genre de beauté. C'était une raison suffisante pour chercher à m'avoir.
De mon côté, je peinais à comprendre si ma fascination pour elle était bien totalement désintéressée. Était-il vrai, même dans mon cas si particulier, qu'il y avait un peu de testicule dans nos sentiments les plus sublimes ? Je voulais laisser les testicules aux Autres et me contenter de la glorifier.
Elle m'a parlé sans gêne de sujets qui auraient fait beaucoup bander Jimmy. Moi, j'ai écouté sans l'interrompre et je lui ai fait mes yeux tristes qui signifiaient qu'elle n'avais pas à me raconter tout cela. Ça ne l'a pas arrêtée.
Au contraire : c'est à ce moment précis qu'elle a décidé de retirer ses vêtements pour se changer, oubliant – ou faisant mine d'oublier – ma présence. J'ai détourné le regard. Je n'étais pas d'humeur à faire pleuvoir le foutre dans ma tête. Pas pour elle.
Je préférais deviner ses courbes à travers un voile que de les voir les exhiber ainsi. Il me semblait presque obscène de la voir s'offrir à moi. Ou alors peut-être était-ce seulement ce que je voulais croire pour me convaincre que j'étais au-dessus des Autres et de leurs préoccupations bestiales ?
Elle a vu que je ne jouais pas son petit jeu et que je n'étais pas encore à baver sur sa peau satinée.
Tu ne regardes pas ?
Je n'ai pas répondu. Caroline ne cherchait qu'à me faire du mal. Dès l'instant où j'aurais posé les yeux sur elle, elle s'en irait en me méprisant comme les Autres.
Avec un soupir elle s'est approchée de moi et a déposé un baiser sur ma joue.
J'aurais dû me souvenir que tu n'étais pas un homme. Tu es un ange. Les anges n'ont pas de sexe. Ils ne regardent pas les femmes lorsqu'elles sont nues.
Et puis elle est sortie en ondulant ses hanches appétissantes.

***************************************************

Si vous êtes arrivés jusqu'ici, félicitations : vous avez fait le plus dur et êtes parvenus à la moitié des Caprichos Wink
Vous allez remarquer que le rythme va s'accélérer et le ton changer, le prochain ne manquera pas de vous déranger Twisted Evil
 
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MessageSujet: Re: Los Caprichos [S]   Los Caprichos [S] - Page 3 EmptyMer 19 Aoû - 11:42

A la demande d'Alfy, le fameux 41ème, j'espère ne pas te décevoir Wink
Sachez qu'écrire ça a été une expérience bizarre, je vous mets au défi de traiter le sujet plus longtemps x)

41) Ange :

C'était une nuit où je n'arrivais pas à dormir. J'ai repensé aux paroles de Caroline. J'étais peut-être un drôle de personnage, mais il me semblait étrange de me considérer comme une créature sans sexe.
J'ai fait le tour de mon visage avec l'index. Mon front, mes yeux, mon nez, mes lèvres. Je tremblais un peu. Cette exploration allait-elle me révéler ce que j'étais ?
Mes doigts se sont attardés sur mon menton. Puis ma main a épousé la forme de mon cou et est redescendue par ma gorge et par mon torse. J'ai hésité un peu au niveau du ventre. Pas longtemps.
Ma main a descendu encore et j'ai eu le sentiment qu'elle empruntait un chemin millénaire. J'ai effleuré mon sexe et j'ai laissé mes doigts aller et venir timidement.
Ce que j'ai ressenti alors ressemblait davantage à du réconfort qu'à du plaisir, mais je n'en voulais pas davantage.
J'étais comme les Autres. Je n'étais pas une créature asexuée, j'avais des pulsions, des désirs et la bave aux lèvres. J'avais moi aussi quelque chose qui brûlait entre mes cuisses.
On ne tirait pas de la satisfaction seulement de ce que reflétaient les yeux de la femme aimée, on n'avait pas besoin d'amour, il suffisait de se laisser aller, les testicules ne se trouvaient pas qu'au fond du sentiment si les doigts savaient où chercher. Au diable les Autres, il n'auraient pas le monopole des testicules !
Mes gestes gagnaient en assurance. J'ai tenté de m'arrêter, mais j'avais besoin de ce contact comme si une autre femme m'attendait là, entre mes jambes, et qu'il fallait satisfaire cette cruelle créature.
Tant pis. Il ne fallait pas avoir honte. Jamais je n'avais fait de ma vie quelque chose de plus ordinaire et de plus convenu. Si j'étais Autre, il me fallait l'être jusqu'au bout.
J'ai laissé échapper un râle, ou un gémissement, je ne sais. C'était cette impression d'inachevé davantage que la satisfaction qui s'exprimait ainsi. Un avant-goût de cet infini qui ne me quitterait plus.
Quand le sommeil s'est emparé de moi, j'étais toujours en train de me caresser. A mon réveil, je n'étais plus l'Ange qu'elle avait dépeint.
 
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MessageSujet: Re: Los Caprichos [S]   Los Caprichos [S] - Page 3 EmptyMer 19 Aoû - 11:43

42) Nadia :

Elle n'était pas particulièrement jolie, mais elle a attiré mon attention parce que je me trouvais alors rue Mouffetard à la recherche d'un endroit pour dîner.
Mes appétits étaient de plus en plus variés et je prenais plaisir à arpenter les rues à la recherche de ce qui pourrait les satisfaire. Cette chasse était devenue un rituel qui me laissait chaque jour un peu plus sur ma faim.
Nous étions donc rue Mouffetard, nous allions nous croiser et ne plus jamais nous revoir quand son amie l'a interpellée :
Hey, Nadia !
Elle s'est retournée en faisant voler ses cheveux blonds. Moi, j'ai regardé machinalement. J'ai dit qu'elle n'était pas particulièrement jolie ? C'était une erreur.
Cela arrive parfois, on voit un dos, on pense « Bof » et puis le dos devient un visage et on ne sait plus bien où l'on se trouve ni comment l'on s'appelle.
En y réfléchissant, elle avait de belles jambes aussi sous cette jupe trop longue. Je les ai gardées un bon moment en mémoire. Un air de fille de bonne famille, je parie qu'elle était tout de même capable du pire. Un peu comme moi.
Je me surprenais moi-même à m'évader dans des fantasmes étranges que je ne comprenais pas. Cette inconnue me donnait des frissons à l'endroit où l'Ange me rabrouait. Je n'étais pas ce genre de personne, ne pouvais pas l'être.
Son amie l'a rejointe. Elle a tourné les yeux vers moi sans me voir. On ne dit pas "bonjour" rue Mouffetard. Elle a fait la bise rapidement en souriant, puis elles sont parties.
Je n'ai même pas entendu le son de sa voix. Tout ce que je pouvais garder de cet instant, c'était le fait que se trouvait dans la rue Mouffetard une jeune fille dont le nom commençait par un N, comme dans le conte de monsieur Pierre Gripari. La sorcière de ce conte n'aurait pas été la seule à vouloir la manger à la sauce tomate.
 
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MessageSujet: Re: Los Caprichos [S]   Los Caprichos [S] - Page 3 EmptyMer 19 Aoû - 11:45

43) Antinoüs :

Il ne s'appelait certainement pas Antinoüs mais je l'ai baptisé ainsi parce que l'ai rencontré au Grec de la rue Mouffetard peu après avoir croisé Nadia. Avec du recul, je me demande si l'amant de l'empereur était grec. Peu importait, celui à qui j'avais attribué ce surnom ne l'était sûrement pas non plus. Et puis, je n'avais pas vraiment la tête d'un Hadrien.
Les serveurs ont quelque chose que les serveuses n'ont pas. Je n'arrive pas à saisir quoi exactement. Toujours est-il qu'il m'a immédiatement plu quand il est venu prendre ma commande.
Je lui ai susurré que je m'en remettais entièrement à lui.
Quelle idée ! J'ai vu défiler devant moi une soupe bourou-bourou, assez de kreatópitas pour crever un âne, une brókolo saláta, l'inévitable moussaka, et pour le dessert, un copieux Galaktoboureko.
A chaque plat, il semblait prendre un malin plaisir à me provoquer.
Quelle sauce pour la salade ? Rouge ou blanche ?
Je lui ai demandé la rouge au hasard : je ne connaissais rien à la cuisine grecque.
Pourtant, la sauce blanche est meilleure...
Dans son clin d’œil, j'ai compris ce qui faisait défaut aux serveuses par rapport aux serveurs : de l'humour gras. Quand on travaille dans la restauration c'est important. Je lui ai donc assuré qu'il avait ma totale confiance ce qui a eu pour effet d'élargir son sourire là où je ne l'aurais jamais cru possible.
Il semblait apprécier de me voir dévorer les plats l'un après l'autre. A chaque fois que je sentais que j'allais mourir si j'avalais une bouchée supplémentaire, il me resservait et me caressait la joue.
Au moment du Galaktoboureko, j'avais tellement mangé que je ne me sentais pas très bien. Il a déposé un baiser sur mon front pour m'encourager.
Il t'en reste un peu pour la surprise du chef ?
Finalement je crois que l'humour gras n'était pas mon truc. La prochaine fois je choisirais une serveuse. Je me sentais vraiment mal à présent.
J'ai quitté ma place précipitamment pour aller vomir dans les toilettes. Une fois de plus, j'avais eu le cœur plus gros que le ventre.
 
Meredith Epiolari

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MessageSujet: Re: Los Caprichos [S]   Los Caprichos [S] - Page 3 EmptyMer 19 Aoû - 11:46

44) Claire :

Claire était un piège aussi fatal qu'attirant dans lequel je ne pouvais que tomber. Tout en elle incitait à garder une distance respectueuse et à laisser tomber à son approche mes désirs nouvellement concupiscents.
Je savais à l'avance que si je commençais à la désirer elle me ferait mal. Elle avait des convictions étranges, je crois qu'elle a longtemps été torturée par les Autres et par elle-même.
Par exemple, elle ne supportait pas que je la touche jusqu'à un certain point. Elle savait me repousser quand il le fallait, au moment ou elle excitait mon désir à son paroxysme, et j'en avais les larmes aux yeux à chaque fois.
Elle invoquait le respect du corps, d'une certaine morale, peut-être religieuse, je n'ai pas compris. Était-ce irrespectueux ? Je voulais simplement glorifier son corps avec toute la pudeur qu'elle exigerait, je ne la salirais pas, je n'étais pas si Autre que cela.
Elle ne voulait rien entendre. Je n'ai jamais caressé que l'espoir de sa peau. Elle craignait sûrement que mes doigts ne détectent ses blessures au toucher.
C'était une enragée. Une immense boule de nerfs et de colère. Elle semblait née pour se battre, sans plus savoir quelle cause défendre.
Féministe engagée, elle me reprochait chaque regard et chaque geste qui pouvait révéler mon attirance :
Tu devrais nous défendre puisque tu aimes les femmes ! Pourquoi les convoites-tu de manière si vulgaire comme des marchandises ?
C'était plus compliqué, elle mélangeait tout mais elle continuait à me regarder comme si j'avais commis la pire des trahisons. Il y avait tant de combats à mener, pourquoi luttait-elle contre l'amour ?
 
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MessageSujet: Re: Los Caprichos [S]   Los Caprichos [S] - Page 3 EmptyMer 19 Aoû - 11:48

45) Leila :

Elle s’est jetée dans mes bras, désespérée, et elle a murmuré dans mon cou :
J’en ai envie, mais je n'assume pas... Aide-moi à assumer...
A la vérité, je n'assumais pas non plus. Je n’avais jamais réussi à dire à Anaïs que je l’aimais justement parce que je craignais que cette question ne se pose. Entre mes jambes, l'Ange réclamait le péché ultime.
C’était trop puissant, trop risqué, trop immoral. Il me semblait que c’était mal, peut-être l'influence de Claire. Pour cette raison, je ne savais pas comment je pourrais lui être utile dans son propre chemin de croix. Elle a proposé que nous fassions Passion commune. Je ne savais pas si cela nous aiderait, je ne pensais qu’à l’attraction qu’elle exerçait sur moi.
Cependant, malgré tout les moments que nous avons passé ensemble, je n’ai pas réussi à me défaire de mes peurs. Leila non plus. Nous n’avons jamais assumé, préférant nous réfugier dans un silence commode ou dans des conversations mondaines alors que nous nous ramenait à notre malédiction, à notre envie de franchir le pas.
Où sont tes parents ?
A-t-elle demandé. Je n’en avais aucune idée. Au fond, je crois que je préférais ne pas le savoir. L’ombre de Maman était nécessairement accompagnée d’un regard désapprobateur que je ne parvenais pas à comprendre.
Je te présenterais bien les miens, mais je crois qu’ils n’aimeraient pas que je ramène quelqu’un. Ils se feraient tout de suite des idées, tu comprends ?
A moi il me semblait que ce serait bien agréable s’ils se faisaient des idées. C’était peut-être avec des idées que tombaient les peurs enfantines qui nous empêchaient de commettre l’acte.
Ça ne marche pas comme ça.
Elle avait raison, bien-sûr. Nous continuerions à craindre jusqu’à ce que nous finissions par commettre l’irréparable.
 
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MessageSujet: Re: Los Caprichos [S]   Los Caprichos [S] - Page 3 EmptySam 5 Déc - 21:53

Je finis de tout poster, parce que j'ai une nouvelle idéééée !!! Los Caprichos [S] - Page 3 3881072848
Je la concrétiserai peut-être dans 50 ans quand j'aurais terminé la prepa, les études et mon boulot aliénant /PAN/

46) Virginie :


Virginie portait très mal son nom. Elle me disait que j’étais trop prude, qu’il fallait bien un jour ou l’autre se décider à franchir le pas, que sinon on ne vivait pas. J’ignore encore si elle avait raison. Vivre a quelque chose de douloureux lorsqu’il s’agit d’infini.
Mais à cette époque, je n’avais pas l’expérience de ce genre d’enjeux. Je lui disais que je ne savais pas, que j'avais un peu peur tout de même. Claire avait instauré le doute dans mon esprit. Le moment où j'avais cherché à prouver que je n'étais pas un Ange me paraissait loin et me semblait avoir été un instant d’égarement.
Pourquoi ? Pourquoi te censures-tu ? Tu n’as pas pas à hésiter, tu ne fais rien de mal ! C’est ce que font les Autres, tous les Autres, des milliards d’Autres !
Elle épluchait une orange en me tenant ce discours. Cela aurait aussi bien pu être une pomme. Elle me rappelait le démon tentateur. Lorsque je lui ai fait part de cette image elle a ri.
Je n'étais pas comme les Autres, il me fallait m'y résoudre. Peut-être avais-je quelques fantasmes, mais ils n'avaient pas la violence suffisante pour ce qu'elle me proposait. Alors je répétais que je ne savais pas.
Je te promets qu'après ça tu sauras.
Souriait-elle en écartant les quartiers de l’orange. Le jus coulait entre ses doigts. Elle les léchait avec une lenteur étudiée qui a embrumé quelque peu mon cerveau. J’ai senti que j’allais accepter, à cause du jus de l’orange qu’il me tardait de goûter moi aussi.
Elle avait raison, pour une fois je ne serais plus esclave, je briserais mes chaînes et tâcherais de connaître la liberté ultime. Elle s’est approchée de moi, cherchant à m’enlacer pour me convaincre :
Allez… Personne n’en saura rien.
J’ai failli céder. Seulement ses cheveux étaient imprégnés d’une drôle d’odeur, une odeur familière, une odeur de lessive, ou d’adoucissant peut-être. L’évidence s’est imposée : cette odeur était proche de celle de Maman.
Je l’ai repoussée aussitôt. Je ne pouvais plus l’approcher sans me souvenir du regard désapprobateur. Elle a soupiré que j’étais malade et n'a plus cherché à me convaincre.
 
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MessageSujet: Re: Los Caprichos [S]   Los Caprichos [S] - Page 3 EmptySam 5 Déc - 21:54

47) Olivia :


Au début, ce n'était qu'un pincement au cœur auquel je n'ai pas prêté attention. Puis j'ai compris que quelque chose de dangereux commençait à me ronger. Je sentais poindre la périlleuse frontière qui une fois franchie me ferait haïr les Autres.
Chaque fois que je la voyais, elle était accompagnée de son Autre. Il s'appelait Dylan. Il était grand, musclé et viril. Les femmes me surprenaient à trouver de la beauté là-dedans. Comment préférer l'humour gras des serveurs à la finesse des serveuses ?
Le pincement au cœur s'est fait plus insistant. Le nom de ce poison était l'envie. Il trouvait son pendant dans la jalousie de Dylan qui ne céderait à personne le droit d'effleurer en pensée celle qu'il aimait.
Comme ils semblaient heureux. Comme je le comprenait. Comme elle était belle. Dès cette pensée formulée, j'avais signé le début d'un processus irréversible. Je n'étais cependant pas assez stupide pour tenter quoi que ce soit, d'autant que par obligation morale, je m'interdisais de désirer la femme d'un Autre.
Pourtant, je finis par tomber dans le piège au fur et à mesure de nos brèves rencontres. Était-ce de ma faute ? Je l'aurais aimée de la même manière si elle s'était trouvée seule.
Je regardais Dylan avec une douceur amère. Il lui arrivait de converser avec moi, sans comprendre quelles dangereuses pulsions me traversaient. Lui aussi devait penser que j'étais un Ange.
Je me demandais comment il réagirait si je lui prouvais le contraire, si je lui signifiais que j'aimais Olivia. Je ne pouvais m'empêcher de lui trouver une tonne de défauts, de le mépriser et le considérer comme un être répugnant.
Ce devait être là la pire des fourberies des femmes, celle qui consistait à toujours préférer le grotesque au sublime. Ce devait être là le secret de leur séduction. Ce devait être là le début de mes malheurs.
Notre duel était truqué. Lorsque je reprenais contenance, je me fustigeais de traiter ainsi ce malheureux. Nous avions tant de choses en commun. La première d'ailleurs, arrivait rayonnante pour l'embrasser. J'ai interdit au pincement au cœur de l'empêcher de rayonner ainsi.
 
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MessageSujet: Re: Los Caprichos [S]   Los Caprichos [S] - Page 3 EmptySam 5 Déc - 21:55

48) Clémence :

Son Autre à elle s'appelait Lucas. Il ne ressemblait pas à Dylan, il était beaucoup plus petit et me semblait aussi plus raffiné. Elle-même était plus blonde qu'Olivia, plus dynamique.
C'était le même pincement au cœur en revanche. J'ai pensé à ce moment là que cette sensation deviendrait une amie fidèle, et j'ai entrepris de l'apprivoiser. Curieusement, le résultat dépassa mes plus folles espérances. Petit à petit, loin de mépriser l'Autre, je parvenais à l'aimer.
Oui, je l'aimais lui aussi. Je les aimais tous les deux et je me demandais presque si j'aurais pu aimer l'un sans l'autre. Leur amour était forcément meilleur que le mien puisqu'il était partagé.
Parfois en passant, j'entendais leurs chuchotements entrecoupés de baisers. J'ai senti que le monde autour d'eux avait disparu et que moi-même je n'existais plus, présence intruse volant les miettes d'une complicité qui me dépassait.
J'ai vu son dos se tendre tandis qu'elle le serrait plus fort, j'ai vu la passion habiter son corps, j'ai vu ses épaules demander grâce devant cet Autre à jamais vainqueur.
J'ai pris peur. Je ne pourrais leur expliquer s'ils me surprenaient à quel point je les aimais ni le besoin que j'avais de les épier. Pouvaient-ils comprendre que j'avais enfin dompté le démon de l'envie et que j'étais en mesure d'aimer sans rien attendre ?
Je voyais en la pureté du sentiment de l'Autre la pureté du mien, je n'avais pas besoin de lui parler d'amour puisque je l'embrassais déjà par procuration. Il ne fallait qu'une seule chose : que je parvienne à garder le secret de cette étrangeté qu'ils ne voudraient pas entendre.
Mon pote Jimmy a surpris un jour mon manège. Il a dit que je ferais mieux de cesser tout de suite de les observer avant de me blesser. D'autant que ni l'un ni l'autre ne serait ravi de la présence d'une espèce de charognard qui guettait les moindres parcelles de leur amour. C'était malsain.

Il a fini par me convaincre et je n'ai plus regardé Clémence et Lucas.
 
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MessageSujet: Re: Los Caprichos [S]   Los Caprichos [S] - Page 3 EmptySam 5 Déc - 21:56

49) Morgane :

Cela peut paraître étrange, mais jusqu'ici jamais encore je n'avais avoué à une femme que je l'aimais. Je les avais observées, désirées, rêvées, effleurées, caressées, embrassées ; mais jamais je ne leur avait fait part explicitement de mes sentiments.
C'était peut-être que je trouvais les mots ridicules, insignifiants et communs. C'était peut-être parce que je croyais que le sentiment possédait son propre langage. C'était peut-être tout simplement par peur. J'avais déjà senti qu'elles attendaient que ces mots franchissent mes lèvres, comme preuve irréfutable, mais je n'ai jamais pu dire à une femme que je l'aimais.
Pourtant, Morgane se tenait là, devant moi, un immense sourire aux lèvres et plus sublime que jamais, ses yeux clairs en attente. Je tremblais de tous mes membres, comme après une longue course effrénée, incapable de commencer. Je ne reconnaissais plus mon corps sur lequel elle exerçait un pouvoir physique indépendant de ma volonté.
Je ressentais un besoin irrépressible de me confier à elle, de lui donner le pouvoir de me détruire, de lui accorder sur moi pouvoir de vie et de mort. Je me voulais à sa merci, qu'elle sache que je lui vouais totale confiance et qu'elle me réponde, quand bien même je savais déjà la non-réciprocité de mes sentiments. Jamais je ne lui aurais parlé sans la certitude qu'elle ne m'aimait pas.
C'était étrange, mais nécessaire. La violence du sentiment était trop forte. Je ne pouvais me permettre le moindre doute ou un enjeu trop important. J'avais tout à perdre et pouvais donc me lancer.
Elle continuait d'attendre. Une fois de plus, je me laissais surprendre par le sincère intérêt qu'elle semblait avoir pour ce que j'avais à lui dire. Chaque fois qu'elle s'adressait à quelqu'un, elle avait dans les yeux une lueur qui montrait à son interlocuteur à quel point elle faisait attention à lui et à quel point elle le comprenait. Son regard me signifiait que même mon silence n'était pas perte de temps car déjà porteur de sens.
Après un long moment de torpeur durant lequel elle me fixait avec encouragement, j'ai laissé l'aveu franchir mes lèvres comme s'il sortait de la bouche d'un Autre.

Alors, ivre de ravissement, je l'ai regardée m'éconduire avec élégance et douceur, et je l'ai aimée plus fort que jamais. Je n'ai ensuite pleuré que de joie sans même comprendre pourquoi.
 
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MessageSujet: Re: Los Caprichos [S]   Los Caprichos [S] - Page 3 EmptySam 5 Déc - 21:57

50) Norah :

Elle, c'était un piercing au niveau des lèvres, un maquillage charbonneux et un tignasse dont la couleur naturelle restait inconnue à ce jour. Pour le moment elle était rouge.
Je l'ai connue à un mariage, je ne sais plus lequel mais Jimmy était là aussi.
C'est absurde, non ? En contemplant la femme en blanc, je n'ai pas pu m'empêcher d'y voir une future esclave. Je peinais à concevoir que l'on puisse se donner ainsi à quelqu'un, renoncer à sa propriété dans le cadre d'une tradition qui n'avait plus de sens. Le mariage d'amour était d'autant plus insensé qu'il ne servait les intérêts de personne. Pour moi cela ne rimait à rien. Il devait exister d'autres preuves d'amour que l'aliénation.
Je crois qu'elle était de mon avis. Elle affichait durant toute la cérémonie une petite grimace suffisante qui montrait son mépris pour la joie de ceux qui partageraient leurs chaînes.
Imbéciles heureux.
Semblait-elle penser.
Par pure coïncidence, je me trouvais en face d'elle durant le repas tandis que Jimmy était placé à ma gauche. Elle m'intriguait depuis que j'avais surpris sa grimace, mais je n'osais pas lui parler, préférant écouter sans m'y mêler les conversations environnantes.
J'ai senti alors quelque chose sur ma jambe. J'ai cru que c'était le pied de la table, mais cette chose s'est mise à glisser lentement le long de mon tibia. J'ai cru à une erreur. Je l'ai regardée pour aussitôt baisser les yeux. Elle me fixait en souriant pour admirer ses effets.
Elle avait retiré ses chaussures et son pied se faisait plus insistant sous la table. Je ne pouvais pas bouger, j'avais peur de la contrarier et - je dois l'avouer - je n'avais pas envie qu'elle s'arrête.
Elle remonté doucement ma jambe et a jeté son dévolu sur l'endroit maudit, probablement sa cible depuis le début. J'essayais de garder une figure impassible, mais mon corps était paralysé et mon esprit ne pouvait se détacher de cette délicieuse torture.
Elle caressait ainsi mon entrejambe depuis un moment, me jetant des œillades amusées si je prenais le risque de la regarder ; lorsque j'entendis comme dans un rêve :
Oh, je te parle ! Pourquoi t'es dans la lune encore ?
C'était Jimmy. Je devais avoir l'air un peu stupide, parce qu'il a regardé avec méfiance autour de lui, comme s'il cherchait un coupable. Il a remarqué Norah et il a simplement grogné :

Ah, d'accord.
 
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MessageSujet: Re: Los Caprichos [S]   Los Caprichos [S] - Page 3 EmptySam 5 Déc - 21:58

51) Julia :

Tu n'es pas Lui.
D'emblée je l'ai compris et cela ne me dérangeait pas. Je n'étais pas ici pour me faire aimer. Ce que nous faisions ensemble, je ne le comprenais pas vraiment. Julia non plus sans doute.
Nous étions là, nos corps enlacés dans une sorte d'étreinte désespérée. Nous avions gardé nos vêtements. Elle ne l'aurait pas supporté autrement.
Je l'embrassais, sur les joues, le front, le cou, le menton, les oreilles... Mais pas sur les lèvres. Cela était réservé à ce Lui que je n'étais pas. De même, je ne pouvais descendre en dessous de sa ceinture. Tant pis, c'était déjà beaucoup lui demander que d'être ici.
Elle jouait avec mes cheveux. Elle avait l'air d'en tirer pas mal de plaisir. Elle imaginait peut-être que ce n'étaient pas les miens.
Au bout d'un moment, j'ai passé ma main droite sous son T-shirt. Ça ne faisait pas partie du contrat muet que nous avions posé. Je ne sais pas exactement pourquoi, j'avais envie d'imiter les Autres ce soir-là. J'ai remonté ma main le long de son ventre et j'ai guetté sa réaction.
Tu le regretteras après, tu le sais ?
Je savais. Mais je savais aussi que j'en avais besoin. Alors je lui ai caressé les seins tout doucement. Elle a fermé les yeux et a remonté son T-shirt pour que je sois plus à l'aise. La fenêtre laissait filtrer une pâle lumière qui éclairait sa poitrine. C'était bizarre de voir ses deux petits seins blancs sous mes doigts.
Je n'osais pas parler, j'avais trop peur de ce que j'aurais pu dire. C'était agréable. Pour elle aussi, je crois. Elle avait une expression sereine.
J'ai fermé les yeux à mon tour. Et j'ai frôlé sa poitrine avec mes lèvres. J'aurais voulu embrasser, lécher, mordre, déchiqueter chaque parcelle de son torse. J'avais besoin de violence. Mais il lui fallait de la douceur et ses envies étaient prioritaires aux miennes.
J'ai continué à la caresser un peu et puis j'ai laissé ma main immobile posée sur son sein nu. J'ai appuyé mon visage contre son buste comme une bête fatiguée. Elle a doucement passé sa main sous ma chemise et elle a caressé mon dos.
Je l'arrondissais et le creusais au passage de ses doigts. J'avais de plus en plus de mal à maîtriser mon souffle : il devenait plus rauque. Elle était chaude sous moi mais je savais que le lui faire remarquer l'aurait arrêtée.
J'ai senti qu'elle hésitait à poursuivre. J'ai murmuré quelque chose pour lui demander de continuer. Personne ne pouvait nous entendre, mais ma voix refusait de dépasser ce murmure. A ce signal, elle a resserré son étreinte avec violence comme pour fusionner son corps avec le mien. A ce moment là, elle a senti mon sexe contre sa cuisse et j'ai vu que cela la gênait.
On arrête là.

D'accord. Moi aussi je trouvais que c'était mieux comme ça.
 
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MessageSujet: Re: Los Caprichos [S]   Los Caprichos [S] - Page 3 EmptySam 5 Déc - 22:00

52) Frida :

Délivre-moi... Délivre-moi.
Frida répétait toujours les choses deux fois. De cette manière, si l'on avait mal compris la première fois, l'on comprenait encore moins la suivante.
J'ai demandé le cœur battant jusqu'où elle voulait aller.
Jusqu'au bout.
Elle a hésité un instant avant de répéter.
Jusqu'au bout. Peu importe. Délivre-moi. Délivre-moi...
Je ne savais même pas si je disposais de la clé pour la délivrer, de la clé pour aller au bout. J'avais compris récemment que je ne pourrais pas me soustraire à cette initiation.
Je voulais encore croire que l'on pouvait aimer sans désirer, mais je m'écartais de plus en plus de cet idéal et je me morigénais à chaque fois. Non, c'était impossible. On ne pouvait pas se contenter de sourires et de jolies paroles.
Avec Julia, j'avais franchi une étape. J'avais presque réussi à me convaincre que la morale n'avait rien à voir là-dedans et à effacer la désapprobation de Maman. Pourtant, quand je regardais cette femme qui m'implorait, je ne pouvais me résoudre à lui donner ce qu'elle me demandait.
Pourquoi ? POURQUOI ? Tu ne m'aimes pas n'est-ce pas, tu ne m'aimes pas sinon tu le ferais.
Ce n'étais pas cela. A vrai dire, j'en mourais d'envie. Cependant, à la voir si belle comme un soleil, si innocente sous la clarté de la lune, je me sentais indigne d'elle.
J'avais la conviction que si je lui cédais elle le regretterais plus tard. Moi-même, j'étais encore novice. Je voulais qu'elle découvre ce qu'elle voulait découvrir avec quelqu'un qui n'aurait pas peur.
Regarde. C'est un ver luisant. Je n'en avais jamais vu avant aujourd'hui. Jamais vu. Je pensais même que ça n'existait pas. Je crois qu'il y a des soirs qui sont les soirs de toutes les premières fois. De toutes les premières fois...
A ces mots j'ai compris qu'elle ne renoncerait pas. J'ai accepté en tremblant. Je l'ai couchée dans l'herbe et l'ai délivrée de ses vêtements pour commencer.
Le froid l'a saisie dans un frisson adorable. Cette morsure peut-être lui a fait changer d'avis :
Non. Pas comme ça, pas maintenant, pas comme ça... Je me suis trompée, je ne sais pas comment t'expliquer, je ne sais pas.

Je comprenais, je n'ai pas insisté. J'avais moi-même déjà vécu cette hésitation terrible. Pour moi, les dernières barrières étaient tombées. C'était le début d'un calvaire pire encore que tout ce que j'avais connu. Quant à elle, je ne m'inquiétais pas : elle finirait par trouver le courage qui lui manquait ce soir-là.
 
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MessageSujet: Re: Los Caprichos [S]   Los Caprichos [S] - Page 3 EmptySam 5 Déc - 22:00

53) Noémie :

Noémie m'a fait connaître l'infini. C'était en été, il faisait chaud. Elle conduisait sa Volvo sur des chemins de campagne, moi j'occupais la place du mort. Je n'ai jamais porté grand intérêt aux voitures, mais je me souviens de celle-ci.
Pendant le trajet, je ne savais pas où nous allions. Si j'essayais d'en savoir davantage, elle déclarait :
Je cherche un coin tranquille.
La distance, la vitesse, la route étaient déjà porteurs de ce parfum d'infini. Je croyais alors c'était une belle chose. Ça l'était en effet. En revanche, j'ignorais encore le prix de cette beauté : une terrible douleur à sublimer.
Elle s'est finalement arrêtée sur un parking privé minuscule et désert. Elle a attiré mon attention sur une pancarte NO TREPASSING sur laquelle on avait dessiné un sexe d'homme.
Tu vois, mon amour, je t'interdis de trépasser.
J'avais souri sans comprendre que ces mots sonneraient plus tard comme une malédiction.
C'est donc devant cette injonction que j'ai perdu ma raison et le reste. Ce n'était sûrement pas la première fois qu'elle faisait l'amour dans cette Volvo, mais je dois reconnaître qu'elle s'y est prise avec beaucoup de douceur. Elle effaçait par quelques murmures les derniers questionnements moraux. J'ai fini par m'abandonner complètement.
Je la considérais comme une déesse à contenter par l'offrande de ma personne toute entière. Je sentais qu'elle répondait à mes prières, que par ce miracle elle me récompensait de toutes mes dévotions. Elle me dévorait et c'était bon.
Je voulais crier son nom mais je me retenais : il ne fallait pas le prononcer indûment. Je m'apprêtais à en mourir, j'attendais le dernier spasme.
Il n'est jamais venu. Lorsque je lui ai posé la question, elle a expliqué en riant que nous ne le connaîtrions jamais, que nous étions de ces créatures qui ne savaient qu'attendre et désirer. On ne meurt jamais, pas par amour. NO TREPASSING.
Je ne pouvais le croire. Si je ne pouvais mourir d'amour, s'il n'existait aucun soulagement, aucune limite au désir, qu'allais-je devenir ?
Tu as découvert l'infini. Si cela ne te convient pas, tu ferais mieux de partir.

C'est ainsi que notre amour s'est déchiré, avec la violence de l'hymen : une violence telle qu'il ne pouvait y avoir d'adieux.
 
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54) Zoé :

A la suite de cette drôle d'expérience, j'ai multiplié les tentatives pour mourir d'amour. Ma capacité à aimer passionnément une femme toutes les deux minutes a été précieuse dans cette recherche. C'est d'ailleurs l'avantage - le seul - de n'appartenir à aucune femme : on peut croire qu'elles nous appartiennent toutes.
Cependant, ces essais sont tous demeurés infructueux. J'ai cru réussir plus d'une fois, je me sentais près du but, sur le point de trouver la paix, mais ce n'était une illusion.
Je réessayais avec une autre, pensant que si j'aimais plus fort je finirais par y arriver. Cela ne faisait qu'augmenter ma souffrance. La plus extrême de ces expériences était Zoé.
Je l'aimais tellement que j'avais la certitude que si ça ne marchait pas avec elle, ça ne marcherait avec aucune autre. C'est pour cela peut-être que ma relation avec elle s'est révélée l'une des plus douloureuses que j'ai jamais entretenues.
C'était de la folie pure. Nous faisions l'amour quelque chose comme quatre-vingt fois par jour et nous avions besoin de continuer la nuit. A force, je me disais que je ne pouvais que mourir.
Nos respirations étaient déréglées, nos yeux explosés, nos corps courbaturés. Il était quatre heures du matin.
Faut pas qu'on dorme.
Répétait-elle. Je l'approuvais en la serrant plus violemment contre moi. Si nous nous endormions, nous pourrions bien nous réveiller et ne jamais mourir.
Ce serait alors le même calvaire, la même frustration, les mêmes désirs insupportables. Nous ne pouvions pas.
Elle finissait tout de même par s'endormir, entièrement nue au-dessus des draps. J'aurais pu continuer jusqu'à mourir du manque de sommeil à défaut de trop plein d'amour. Je la laissais se reposer en silence.

Puis une nuit, j'ai enfin compris que Noémie avait raison : on ne pouvait lutter contre l'infini. Après cette constatation, je n'ai pas pu fermer l’œil. J'ai préféré veiller sur le sommeil de ma marmotte exhibitionniste. Elle avait trouvé la paix pour quelques heures et je ne voulais pas l'en priver.
 
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55) Lucie :

Lucie c'était un appartement désert au réveil avec une petite note :
Quand je reviendrai je préférerais que tu ne sois plus là.
Je me demandais ce que je faisais là. Je ne savais plus comment j'avais fini par m'endormir dans le lit d'une jeune femme à l'écriture si élégante.
Je m'entêtais dans ma quête amoureuse sans savoir ce que je cherchais. Ces trous de mémoire étaient tout de même la preuve que j'allais trop vite et que je ne trouverais rien de cette manière.
J'ai posé doucement la note et j'ai regardé autour de moi pour tenter de me souvenir de quel genre de femme elle était. C'était je crois une façon de me faire pardonner ce manque d'attention. Je l'avais aimée pourtant, peut-être pour quelques heures à peine mais je l'avais aimée, sinon jamais je ne l'aurais effleurée même en pensée.
Évidemment, mon œil a tout de suite été attiré par le soutien-gorge posé négligemment sur une chaise. Une obsession commune à tous les Autres. Fascination perverse ? Pourtant c'était tellement beau à effleurer. Je ne sais pas si c'est moi qui l'avais posé là, mais imaginer les centaines de manières dont on pouvait le dégrafer laissait dans la bouche quelque chose de sucré. Un goût de 85C.
On ne peut cependant espérer connaître une femme par la taille de ses seins. J'ai remis le sous-vêtement à sa place et j'ai poursuivi mon exploration.
La chaise se trouvait devant un bureau en désordre. Des cours de droit. Une lettre signée Alfred. Des crayons de toutes les couleurs et un ordinateur poussiéreux.
Près du bureau, une bibliothèque pleine de livres, en langue étrangère parfois, surtout de l'espagnol. Une collection de hiboux en bois, en peluche et en porcelaine. Une dosette de café abandonnée.
Je n'ai pas osé entrer dans la salle de bain. J'ai quitté la chambre pour la cuisine. Des photographies sur les murs, portraits de jeunes femmes. Lequel de ces visages souriants était-elle ? De la vaisselle sale un peu partout. Dans le frigo des produits bio.

Chaque recoin de cet appartement était chargé de sa présence, de son histoire. Le moment était venu où je ne pouvais plus supporter cet environnement dans lequel je me sentais de trop. J'ai refermé la porte de l'appartement derrière moi et je n'ai pas cherché à y revenir. 
 
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56) Emma :

J'avais quitté Paris sur un coup de tête en pensant que cela me ferait du bien. J'ai rencontré Emma dans un bar de province dont j'ai oublié le nom. Elle buvait un diabolo kiwi. J’ai trouvé ça merveilleux alors j’ai commandé la même chose. Je ne sais plus si j’ai aimé ou si c’est elle qui a donné à la boisson un goût de bonheur.
C’était une danseuse contemporaine. Elle marchait comme sur un fil, sur la pointe des pieds. J’ai eu l’occasion de la voir danser plus tard, à plusieurs reprises. Sur scène elle était différente, elle avait l'air plus grande, plus sereine, plus concentrée. Elle était magnifique. J’avais toujours cru avant elle que la grâce était un mythe.
Je n’étais que novice dans le monde de la danse, mais j’y ai rapidement pris goût, au même titre qu'au diabolo-kiwi. Il faut dire que c’est un milieu agréable à fréquenter lorsque l’on aime les femmes.
Elle a tenté de m’initier, mais ce n’était pas très concluant. Mon corps ne me suivait pas et ne m’a jamais suivi. C’était tout de même beau de la voir me prendre la main sur une place déserte au milieu de la nuit, sans musique, et de se laisser aller contre elle.
J’ai vraiment cru que cette fois, ça marcherait. J’avais pris mon temps pour ne plus commettre à nouveau l’erreur d’oublier la femme que j’aimais comme avec Lucie. J’ai choisi moi-même la souffrance, songeant qu’il me resterait toujours au pire une douleur à sublimer. J’ai encore du mal à manger du kiwi aujourd’hui, ça me rappelle trop ses baisers.
Nous n’avons fait l’amour qu’une seule fois, mais c’était magnifique. Magnifique et douloureux, puisque nous savions que nous serions incapables de retrouver un tel degré de beauté. L’infini parlait et au fond j'espérais encore le vaincre. C’était dans une grange désaffectée, à ciel ouvert, au milieu de la paille qui nous grattait. Nous en riions.
Cet endroit pourri va devenir magique grâce à nous.
Je ne sais plus à qui appartenait la grange, peut-être à son frère ou à un ami. Ce que je sais en revanche, c’est qu’elle avait de tous petits seins. C’était adorable. Elle a ri encore :
Que fais-tu esprit pervers ? Moi qui pensais que tu étais la pureté incarnée ! Veux-tu bien cesser de les mordiller ?

Je ne voulais pas. Elle souriait encore quand elle s’est endormie. C’est là que j’ai remarqué la pancarte NO TREPASSING. J’en ai pleuré ensuite, la tête appuyée sur sa poitrine. Madame Plantier avait raison : on finit toujours par revenir sur les lieux de son premier crime.
 
Meredith Epiolari

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MessageSujet: Re: Los Caprichos [S]   Los Caprichos [S] - Page 3 EmptySam 5 Déc - 22:03

57) Ambre :

Elle était de ces femmes qui semblaient avoir trop de dents. Non pas qu’elle soit laide, bien au contraire : sa dentition était parfaite. Seulement son sourire était tellement craquant que j’avais toujours l’impression qu’elle allait me dévorer à la manière d’une mante religieuse.
Il y avait quelque chose d'extrêmement possessif chez elle. Elle avait insisté pour que je tatoue son nom sur mon corps. Ambre. Je ne sais pas trop pourquoi j’ai accepté. Je voulais peut-être lui prouver quelque chose.
J'ai pris conscience à ce moment que toutes, de manière subtile avaient apposé leur empreinte quelque part sur moi. Il y avait la veste de motard que j'avais fini par acheter, souvenir de Hélène, les lettres d’Anaëlle dont je n’ai pas pu me séparer, la manière d’embrasser d’Ophélie qui me faisait sourire à chaque baiser et les kiwis d'Emma.
Je ne savais pas comment interpréter cette constatation. Peut-être que toutes me possédaient à leur façon. J'en avais le vertige. Je ne lui en ai pas parlé.
Elle me voulait pour elle seule. J'avais peur pour elle. Il m'apparaissait que se lier à un seul être et se méfier de tous les Autres était dangereux.
J'avais l'impression qu'elle craignait par dessus tout que je tente de m'enfuir. Elle comptait me retenir par son nom sur ma peau. Comme un canidé.
Je n'aurais pas voulu partir. Je l'aimais suffisamment pour cela. J'aurais voulu qu'elle me fasse confiance, qu'il n'y ait que ce mot qui nous enchaîne. Nous aurions été libres mais je n'aurais envie d'aller que dans ses bras et elle que dans les miens.
Je n'aimais pas quand elle effleurait les lettres noires sur mon omoplate comme pour vérifier qu'elle ne s'étaient pas envolées. J'ai voulu lui parler de ce danger qui la rongeait. Elle s'est braquée sans écouter :
Tu ne sais rien, tu ne comprends rien, tu es comme tous les Autres ! Va-t-en, je ne veux plus te voir, va-t-en, je le savais, va-t-en, tu es tout ce que je déteste !

Elle n'a pas écrit mon nom sur son corps et je ne crois pas qu'elle s'en souvienne. Si tous les Autres qui portaient son nom quelque part sur leur peau apposaient le leur sur cette femme, il est certain qu'elle ne serait plus qu'un démon d'encre noire.
 
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Los Caprichos [S]

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