| | Alfy Messages : 96 Date d'inscription : 02/11/2014 Age : 27 Localisation : Làààààà ! | Sujet: La cité [S] Mer 5 Aoû - 23:50 | |
| Voici donc le dernier "projet" que j'ai eu. Une sorte d'ensemble de nouvelles autour d'une cité (le titre est provisoire), une sorte de schéma réaliste mais poétique construit autour d'histoires, d'anecdotes, etc... Pour l'instant dans ce premier chapitre (enfin le début du moins), vous verrez que le sujet démarre très lentement notamment à cause des "parenthèses" mais voilà ! J'ai essayé d'avoir un style plus... détaillé, il est un peu lourd je trouve. Introduction à la mécanique d’un microcosme urbain, ou comment la belle Lux s’éprit de la chair et de la rousseur de la flamboyante S.
- I.:
Depuis les appartements E et F de la tour Hermès, du neuvième jusqu’au dernier étage, les habitants peuvent contempler les chroniques du toit de la tour Aphrodite qui leur fait face. En été, de quatorze à quinze heures, la concierge de l’immeuble s’y assoit pour lire avec son café, deux sucres et du lait ; de temps en temps, lorsque le printemps se dévoile, le locataire de l’appartement 3A penche sa tête par-delà le muret, attiré par le vide ; le vieillard du 4H se plait à observer la nationale où, chaque vendredi soir, sans exception, se massent les automobilistes désireux d’un week-end campagnard, générant des embouteillages sans fin ; etc… Appartement 12F
Lux porta sa bière à sa bouche, toute parée de belles rainures, et engloutit une longue gorgée tandis qu’allongées, en contreplongée, gisaient trois jeunes et jolies demoiselles. Leurs poitrines dénudées pointaient, délicates, vers l’œil irisé de Lux. Le crépuscule se faisait pressant – où était-ce l’aurore ? – mais, sur leurs peaux dorées, le temps semblait éphémère. Leurs caboches blondes et brunes, de candeur étincelante, riaient aux éclats et leurs visages se halaient d’une teinte que seule l’insouciance possède. Lux croyait reconnaitre l’une d’elles, Prudence, dont les peintures urbaines jaillissaient sur les remparts de la cité. Les couleurs criardes de ses confrères artistes étaient de piètres copies face à ses œuvres lyriques, toutes signées de cette innocence, de cette brillance vespérale. Parenthèse I : Les Peintures de Prudence
La plus célèbre de toute était née un samedi de mars, à cette heure du soir où le soleil se fond à l’horizon, où le froid saisit la chair. Sur la face sud de la tour Mercuriale, juste en dessous des appartements un C et D, s’étend un superbe plan de béton, large de cinq mètres et haut de huit mètres. Sur cette toile improvisée, Prudence, armée de ses bombes acryliques, s’attaqua à une fresque épique. De la taille à la tête, une femme, d’une beauté chimérique, se tord de douleur. Est-ce un surréalisme ou un hyperréalisme, nul ne saurait le dire tant les gouttes de sueurs se confondent au grain du béton, tant les larmes, les mouvements, les courbes et les reflets semblent jaillir de l’immeuble. Dans sa chevelure des plumes d’oiseaux, autour de ses yeux un fard bleu et, dans la pâleur de son visage, couleur si pure qu’elle se morcèle sur le béton, l’on peut distinguer un reflet, un excès de blanc semble-t-il, où s’est logée une goutte de sang si réaliste que l’on doute qu’elle soit faite de peinture. Sous le chemin reliant les tours Mercuriale et Athéna se trouve la plus obscure de toutes les toiles de Prudence. Un tunnel, sec en été et inondé en hiver, fut construit pour une raison qui échappe à la raison elle-même. Large de trois mètres, haut de deux, son demi-cercle presque parfait offre un abri idéal pour les rats et les chauves-souris. Par un matin d’hiver, peut-être était-ce en février, nul ne le sait vraiment, Prudence dévala la pente qui y mène. Elle y posa un de ces monstrueux projecteurs, ceux-là même qui avalent l’obscurité, et se mit à peindre. Prudence resta sous cette voûte toute une journée et toute une nuit pour terminer son atroce spectacle. Atrocement beau. Un jeune homme, courbé, le visage voilé, se laisse dévorer par d’étranges chérubins et autres succubes tandis que, sur l’autre paroi, une jeune fille – et ce qui semble Prudence elle-même – est scié en deux par une ombre difforme, laissant deux moitiés inertes, ensanglantées : d’un côté la taille et les jambes, de l’autre le buste et la tête. Lux déposa sa bière sur plancher et s’effondra dans son canapé, voilant ses yeux de ses avant-bras. Devant elle s’étendait un vaste néant, celui de son minuscule appartement, et elle ne pouvait supporter cette représentation exiguë, signe d’une existence peu remplie. Les rideaux bleuâtres de la cuisine embaumaient le salon dans une lueur azurée, terriblement mélancolique et Lux se sentait prise de nausées, de bouffées de chaleur, comme si elle suffoquait, comme si elle se noyait. Dans cet océan nauséabond flottait peu de choses : les restes de ses déboires alcooliques, un fauteuil, une guitare désaccordée, un frigidaire et des plaques de cuissons ; voilà donc à quoi se résumait sa vie. Parenthèse II : Ce que contenait l’appartement 12F
Une brosse à dent, un dentifrice à moitié vide, une trousse de maquillage bas prix, un lavabo, des toilettes, un lit et son unique drap, une table de chevet, une édition de la bible, trois stylos, douze feuilles, un canapé, un fauteuil, quarante bières dont dix-huit pleines, un paquet de gâteaux secs, trois fois cinq cent grammes de pâtes, deux yaourts vanille, une plaque de cuisson, un frigo, trois placards, un dressing quasiment vide, deux plantes dont une sur le déclin, des rideaux bleus, des rideaux blancs et leurs tringles, une table basse en verre fêlée de part en part, un feutre noir indélébile et un pochon.
- II.:
Le déambulateur de la vieille madame Petrovic crissait sur le parquet de l’appartement 13F, emportant dans son concert éraillé le semblant de lucidité de notre belle Lux. Celle-ci se mit à cogner son crâne sur l’accoudoir du canapé, une vaine tentative pour apercevoir des constellations imaginaires. Les cloisons étaient si fines dans l’ensemble de la tour Hermès que l’on pouvait entendre les déambulateurs sur un étage, les bouilloires sur deux et les ébats sexuels les plus sauvages sur trois. L’appartement 11E avait d’ailleurs pris l’habitude d’apporter chaque vendredi, samedi et parfois mercredi soir une crieuse de compétition. Et Lux qui n’avait pas fait l’amour, couché, baisé, niqué, ni même ramoné depuis bientôt trois semaines ! Ainsi, lorsque le 11E s’accouplait, Lux sortait, ce qu’elle fit ce soir-là lorsque les crissements de Petrovic se turent remplacés par un brouhaha télévisuel, c’est-à-dire à huit heures précises, heure du Juste Prix. Lux saisit donc sa veste, puisque le printemps était encore timide, ferma sa porte à clef et emprunta les escaliers pour descendre ses douze étages. En effet, depuis une giboulée furieuse trois ans auparavant, seul un des trois ascenseurs était en état de fonctionner et il fallait souvent se résigner à l’attendre tant les allers et venues des locataires de la tour étaient nombreux. Au fil des étages la jeune fille s’enfonçait dans les ombres de la cité et, par les mansardes des cages d’escaliers, distinguait les fourmis filiformes et fuyantes, toutes affairées à ne rien faire, affalées dans l’herbe, sur un muret ou un rebord, fumant leurs cigarettes, promenant leurs chiens et propageant les dernières rumeurs. L’obscurité du rez-de-chaussée contrastait avec les hauteurs halées et Lux happa une blonde à ses lèvres, remède à ses frissons du soir. Sur le parking divaguaient Julia et Natalia, emmitouflées dans leurs pulls trop larges, leurs jeans trop serrés et leurs bonnets dévissés. Lux vint leur offrir une cigarette en échange d’un tour rapide sur leur planche de skateboard. Elle tourna autour d’une vieille Ford Impala puis s’en alla frôler les Peugeot et les Citroën du fond avant de revenir par le centre et de tenter une figure acrobatique qui envoya sa joue sur le phare avant d’une Toyota. Lux se releva péniblement et sentit sur sa joue une larme de sang. Elle y passa ses doigts et l’empreinte se son index s’imbiba de sang. « Hey, hey, s’exclama Julia. Va pas t’égratigner le visage, ma poule, sinon on va plus pouvoir t’appeler la belle Lux ! T’inquiète, Nat’ a toujours du liquide tellement on se fracasse. » Julia releva sa manche et dévoila une peau éreintée du coude jusqu’au poignet, une plaie encore fraîche et dont émanait une âcre odeur d’alcool. Et Natalia lui aspergea la joue de vodka bon marché puis en prit une gorgée et fit tourner la bouteille. Rembobinage : La brève casette de la belle Lux
Lux O’Neill était encore agrippée aux jupons de sa mater familias quand un directeur de casting de pitoyable renommée vint à la recherche de ce qui serait sa future Belle Beaumont, espiègle jeune fille de quatre ans et second rôle récurrent d’une sitcom américaine de basse envergure. Lux alors pouponne, reine d’une petite maisonnette en basse Californie, vint à remporter le rôle après avoir chevauché les mille cadavres d’enfants stars en devenir. La série s’arrêta après sept saisons de qualité douteuse et, suite au divorce de ses parents, Lux suivit sa mère en France, là où vivaient ses grands-parents. Lux ne revit que très rarement son père et ne repassa plus jamais sur les écrans si ce n’est dans d’énièmes rediffusions, notamment en Amérique du Sud et en Asie de l’Est, qui lui rapportaient suffisamment de droits à l’image pour vivre dans son maigre appartement. Ainsi, quelques années plus tard, Lux « Belle Beaumont » O’Neill devint la Belle Lux, éternelle enfant casse-pied du petit écran devenue une magnifique demoiselle avec l’âge. Après cinq gorgées, dont sûrement deux de trop pour un corps à jeun, Lux se remit en route tandis que Julia et Natalia s’essayaient à d’autres figures enivrées et baisers alcoolisés. Elle traversa ensuite le parc pour enfants où gisait à moitié endormi un dealer, se faufila entre les tours Mercuriale et Poséidon, puis tourna à droite avant le bar-tabac et descendit le début de nationale jusqu’au café des Phares, un rivage à épaves. Derrière le zinc le propriétaire s’était absenté et sa fille, la candide Cléo, servait des visages creusés, mornes, éreintés. Entre deux pintes elle dessinait des petits mots sur des serviettes en papier. Lux distingua un cœur entre deux lignes, sur un –i, et imagina une relation épistolière tumultueuse entre Cléo et son amant. Quelque part, ici même ou à l’autre bout du monde, un homme, clope au bec et crayon à la main, écrivait des mots doux, des mots haineux, et, impatiente, Cléo enfouissait sa colère et son amour en tordant son torchon. Lux commanda une pinte et lui demanda si elle n’avait pas une clope à lui dépanner. La tête blonde de Cléo sursauta et sortit de sa poche arrière de jean un paquet de tabac, des feuilles et des filtres. Lux laissa les filtres et se roula deux fines cigarettes, une pour elle, une pour Cléo. Elle saisit ensuite sa pinte et alla s’asseoir sur le rebord de la fenêtre. Elle l’ouvrit, passa une jambe dehors et alluma sa blonde. Un nuage de fumée virevolta devant ses yeux et elle aperçut, de l’autre côté de l’autoroute, la ville, d’une terne flamboyance, de mille lumières, éclatante de fadeur. Un gosse passa sur son vélo rouge et lui klaxonna au visage mais il faillit trébucher en évitant un hérisson et Lux pouffa puis le gracia d’un large doigt d’honneur. Le hérisson traversa la route et disparut entre les arbres, emportant avec lui le rire de Lux. Parenthèse III : La faune et la flore Hérissons, écureuils, fouines, chats, mésanges, faucons crécerelles, chouettes hulottes, corneilles, mésanges, éperviers, moineaux, lézards, chauves-souris, frênes, marronniers, hêtres ainsi qu’une centaine de papillons et de coléoptères et, d'après les dire de quelques habitants, un tigre qui se serait échappé deux ans auparavant d'un cirque ambulant mais que jamais l'on ne réussit à attraper.
- III.:
Peu avant onze heures, et tandis que Lux terminait sa deuxième pinte, une silhouette élancée s’aventura dans le café des Phares, une ombre aux traits fins et au teint charbonné, ce genre de croquis qui ne peut, littéralement, que sortir des tripes d’une mère. L’inconnue – c’était une femme – passa derrière le comptoir et fit la bise à Cléo. Lux, perdue dans ses pensées, n’y prêta aucune attention et s’en alla faire un tour au bar-tabac. Parenthèse IV : Les cigarettes de Lux Lux commença à fumer peu après ses treize ans. Sa première cigarette lui fut offerte par une de ses amies plus âgées et voisine de palier, la somptueuse Eve, dont les cuisses avaient tournées un peu partout dans le quartier. Tandis que Lux s’était allongée sur le palier pour que M’man et son nouvel amant puisse avoir un peu d’intimité, Eve claqua la porte de l’appartement familial et découvrit seule la pauvre fillette. Elle se baissa vers elle et lui demanda si elle voulait aller prendre une glace avec elle. Eve s’était en effet mise en tête de charmer le vendeur de crème glacée et de profiter tout l’été durant de cornets gratuits. La petite Lux hocha la tête et, sur le chemin, Eve lui proposa une Chesterfield. Vers ses seize ans la cigarette hebdomadaire devint un paquet hebdomadaire et Lux se mit à consommer des American Spirit sans aucune réelle raison si ce n’est que le goût lui semblait meilleur. Ce besoin de nicotine avait été avant tout créé dans le but de remplir le gouffre de l’ennui, ce terrible mal qui la poussait à ne plus fréquenter assidûment les bancs de l’école. Lux passait en effet ses journées à errer, à aller d’un appartement à l’autre, d’une fête à l’autre, à voler des plaquettes de chocolat et à aller au cinéma sans payer son entrée, tentant vainement de trouver une échappatoire à son ennui, et, au milieu de tous ces allers-retours, Lux fumait environ deux paquets par jour. Désormais Lux fumait des Pueblo fortes, une quinzaine de cigarettes dans la journée. Elle avait réduit sa consommation depuis qu’un voisin deux étages plus bas, un trentenaire un peu grassouillet, avait failli succomber à un cancer de l’œsophage et ne s’exprimait désormais que par le trou au milieu de sa gorge. Lux disparut donc dans la pénombre en direction du néon lointain du bar-tabac et S., tel était le surnom de notre envoutante silhouette, demanda des nouvelles à Cléo. Celle-ci haussa les épaules comme à son habitude, passa plusieurs coups de torchons sur le comptoir, remplit le verre d’un client de son quatrième whisky, puis, après un long soupir et une tape de S. sur son épaule, se décida enfin à parler. « Comme d’habitude, tu sais, mon père est parti dans le Sud. Il a pris sa bagnole et il est parti, soi-disant pour négocier une petite cabane bord de plage à un vieillard un peu sénile. Mais je suis sûr qu’il est en week-end avec sa maitresse. M’man va pas très bien, t’sais, depuis que mon frère s’est barré à l’armée elle se morfond d’avoir perdu son enfant chéri. Pas de ma faute si c’est lui le préféré. ‘Fin bref t’vois, moi je reste ici et je tiens le bar en attendant de pouvoir retourner à mes occupations. Samedi mon petit ami a dit qu’il me préparait un dîner, alors ça va, ça va. Mon copain ? T’sais, c’est J.D, le frère du gros Petrovski. Ouais, c’est lui, le brun c’est ça. Et toi ? ». S. dit qu’elle avait fini de travailler plus tôt et qu’elle était allée au ciné en fin d’après-midi, un film pitoyable ; elle s’était endormie et le titre de cette purge ne lui revenait même pas. S. se servit ensuite un Jet 27, y mit deux glaçons, l’engloutit cul sec, se servit un Martini avec un glaçon et un peu de citron, faillit l’avaler à son tour mais s’en alla d’abord faire un tour aux toilettes. Cléo soupira : S. mentait sacrément mal, mais la vérité était une chose que S. semblait ne pas connaitre. C’était ainsi, S. était cette mystérieuse cachotière qui un jour, sans doute, partirait au loin dans une autre ville, un autre pays, peut-être même un autre continent, sans rien dire à personne. S. était une fille un peu sauvage, pas vraiment domptable et l’on racontait souvent que c’était elle qui avait lancé la fameuse rumeur du tigre qui se baladait dans la cité. Mais le vrai tigre était sûrement elle, cette chose affamée que l’on avait rendue docile mais qui finirait par disparaitre dans la nature. Et sûrement personne ne changerait jamais S., personne. Le Jeu de la Vérité : Ce que S. avait vraiment fait Le décor était bien pitoyable : une estrade lumineuse bon marché, des énormes bouts de carton en guise de décor et des éclairages multicolores pour essayer de masquer la pauvreté du show télévisé. Le public gloussait, un rire hideux, péniblement arraché aux bouches pâteuses de la foule par un chauffeur de salle désespéré. Au centre trônait une voiture américaine d’occasion et ce qui était le lot tant convoité du jour. Un présentateur vêtu d’un costume trop large et d’une moumoute dévissée s’approcha de la candidate. Une ravissante rousse qui portait un pantalon rayé des plus agréables à l’œil ainsi qu’une chemise blanche. Le présentateur ne put s’empêcher de plonger ses yeux dans le creux de sa poitrine, de descendre le long de ses hanches et de s’arrêter sur ses fesses rebondies. Puis il reprit ses esprits et approcha son micro sous le nez de la candidate. « S., êtes-vous prête à jouer ? Je vous rappelle que vous ne pouvez dire que la vérité, toute la vérité et rien que la vérité ! Attention, préparez, c’est l’heure du jeu de la… VÉRITÉ ! cria-t-il soutenu par le public. Allez, détendez-vous un peu, on est là en famille, vous, moi, le public et quelques milliers de téléspectateurs, ça va aller, ne vous en faites pas. Allez, prête cette fois ? Première question S. : pouvez-vous nous raconter votre journée en détail ? ». La jeune fille coinça ses mains entre ses cuisses et se trémoussa, tête baissée, comme surprise en plein délit de vol à l’étalage. Elle incisa sa lèvre, le présentateur sentit une ardeur dans son pantalon, puis elle leva les yeux et prit une grande inspiration. « Pour tout vous dire Ken, je ne suis pas allée au cinéma. Je me suis levée aux alentours de midi, j’ai pris mon déjeuner au café de la gare, le serveur me fait souvent des clins d’œil et m’offre mon café. Ensuite je suis allée à mon travail : je suis vendeuse dans un vidéoclub. C’était très calme et à part un jeune homme qui a essayé d’avoir mon numéro il n’y a rien eu d’inhabituel. Pratiquement toute la journée j’ai lu mon livre, une histoire d’amour un peu niaise au temps des cowboys et des indiens. Bref. J’ai fermé la boutique et je suis rapidement allée chez Jesse, l’ex petit-ami de Cléo. On s’était mis d’accord pour. [Elle s’arrête un instant, le caméraman resserre le plan sur son visage.] Baiser. [L’anxiété de la jeune fille monte et le présentateur se rapproche d’elle.] De temps en temps, ça m’arrive. Je veux dire, j’ai besoin d’argent et louer des cassettes ça ne rapporte pas beaucoup de tune. Je veux m’acheter une voiture. J’ai vu cette superbe Firebird à vendre pas loin d’ici. C’est le genre de voiture qui me fait rêver vous savez, ça rutile, ça ronronne sous votre pied. J’adore cette sensation, ces caisses qui vibrent et qui vous secouent, c’est comme du sexe sauf que vous avez personne en train de jouir en vous bavant dans l’oreille. [Le présentateur se fait plus pressant mais S. n’y prête pas attention et un projecteur bleu fond sur son œil pétillant de jeune fille]. C’est pour ça que je suis ici, pour gagner. Elle est là, je la vois d’ici, elle me tend les bras. Enfin, ça n’a pas de bras une voiture mais vous voyez Ken. Donc nous avons baisé, c’était atroce, mais il m’a dit qu’il avait adoré. Il m’a payée, je suis partie, un peu honteuse et je suis allée au café des Phares voir Cléo. J’ai un peu besoin de me saouler, vous savez. Il était… Il avait cette manière de me regarder quand il était entre mes cuisses, des yeux remplis de désir, mais un désir sale, et je n’aimais pas ça, quand il me regardait et que… » Soudain le présentateur posa sa main sur la cuisse de S. qui sursauta et le gifla. La caméra eut un mouvement rapide vers le plafond gris et les éclairages tandis que le public semblait ravivé par ce moment inattendu. S. criait au loin, suppliant qu’on la lâche, qu’elle ne voulait que la voiture, qu’elle l’avait fait pour la voiture et que, si elle avait pu, elle n’aurait pas couché avec cet homme tout comme elle ne coucherait pas avec le présentateur. On lança une coupure pub. C’était un bifteck haché dans une poêle, animé par des yeux et une bouche, qui chantait une étrange chanson : « Doo-doo-doo, il fait chaud, il fait beau, j’ai la peau doré, doo-doo-doo ». Une ombre apparut alors sur lui et il se mit à crier. Un couteau coupa le morceau de viande en deux et seule l’huile dans la poêle faisait encore du bruit. Fond noir.
- IV.:
Lorsque Lux revint dans le café quelques dizaines de minutes plus tard, la salle principale s’était vidée et seules Cléo et son amie étaient assises derrière le comptoir. Cléo s’était posée sur une chaise un peu bancale et se balançait d’avant en arrière tandis que S. s’était perchée sur le zinc et avait collé ses cuisses à son torse. Lux s’approcha et demanda s’il restait de cette liqueur de pêche maison que fait illégalement son père à la cave. Cléo lui servit alors un verre. « Je peux fumer dedans, ça te dérange pas ? demanda Lux. » Cléo fit non de la tête et Lux plongea ses lèvres dans le digestif. Le sucre balaya son estomac et elle en vida un peu moins d’un tiers. S. reprit alors la discussion. « C’est un truc de fou mais je suis sûr de l’avoir aperçu ce putain de tigre. J’avais dormi chez ma sœur, elle habite au genre, dixième ou onzième étage tu vois, et je prenais ma douche. Et dans sa salle de bain y a une petite fenêtre carrée un peu en hauteur. Et au moment où je sors, j’ouvre le rideau de douche et j’étais un peu en hauteur dans le bac de douche et je regarde par la fenêtre et il était là, sur la colline à côté de l’autre tour d’en face, j’ai oublié son putain de nom, celle où habite ton cousin. Enfin, il était là, je te jure, allongé et il se la coulait douce et il étirait ses pattes de tigres et il baillait avec sa bouche de tigre, un putain de tigre je te dis ! Le temps que j’attrape ma culotte, que j’aille me pencher à la baie vitrée du balcon et il était parti, envolé, pouf, comme ça, j’sais pas, disparu. Mais il était là, j’en suis sûre. » Cléo n’écoutait que d’une oreille et feuilletait un magazine de mode. Une petite brune posait sur plusieurs pages. Elle avait des lèvres un peu charnues, la bouche toujours entrouverte, le menton court et arrondi et des yeux d’une incroyable noirceur, où Cléo semblait avoir perdu son esprit. Et Lux avait perdu le sien dans la beauté de S. qui continuait à raconter son histoire. Lux, pour la première fois de sa vie, s’était éprise d’une rousse, de cette fille envoûtante, de sa voix, ses épaules, son cou, de tout. Ce n’était pas de l’amour, c’était une simple contemplation : elle était belle, juste belle. Il y a avait cet éclat sur son visage, sur sa chair pâle, dans ses cheveux flamboyants, il y avait cette lueur que Lux était incapable de capter mais qui la captivait. Parenthèse V : Les détails corporels de S. Ses yeux marron, son menton à peine carré, les muscles délicats de sa nuque, les grains de beauté en dessous de ses épaules, son ventre plat et son nombril, sa tache de naissance dans le dos, sa cicatrice sur son avant-bras, ses doigts élancés, ses jambes, ses cheveux d’un roux légèrement foncé mais éclatant, sa peau pâle, cet air sérieux quand elle fronce les sourcils, ses genoux cagneux, la courbure si particulière de son dos lorsqu’elle s’appuie sur un mur, les lignes de ses hanches, son buste, ses fesses, les épaisses veines qui marbrent ses mains, cette bouche à peine entrouverte d’un rose foncé et ses lèvres parsemées de délicates rainures. Lux vida le reste de son verre et elle sentit l’alcool brûler ses entrailles, quarante degrés ça ne passait pas facilement. Elle toussota et S. posa une main sur son épaule : « Tu crois que ça va aller ma grande ? ». Lux hocha la tête : elle avait simplement avalé de travers, ce n’était rien. Cléo reposa son magazine et toutes les trois restèrent un long moment plongées dans le silence. Cléo fixa S., celle-ci détourna alors le regard, longea le comptoir avec ses yeux et remonta la silhouette de Lux puis s’arrêta sur son visage. « Eh, mais, attends, je te reconnais, oui, oui, je sais qui tu es, tu es Belle Beaumont, tu es la Belle Beaumont de la série télévisé. Au vidéoclub on a l’intégrale de la série, et ça arrive même qu’on nous la loue, tu sais, certainement un de tes admirateurs ou quelqu’un qui a entendu parler de ta renommée et que tu habites le quartier. C’est dingue ça, qu’on t’ait plus jamais revu sur un écran de télé. La belle Lux. Ça sonne putain de bien quand même, j’aurai bien aimé qu’on m’appelle la belle S. » Un sourire se détacha des lèvres de Lux, comme arraché par le visage ébloui de cette petite rousse qui, l’espace d’un instant, semblait retrouver sa jeunesse face à cette jeune femme qui avait jadis bercé son enfance avec ses quatre cents coups télévisés. Lux sentait monter en elle les rougeurs de la modestie et elle enfonça sa tête dans son haut, jusqu’au nez, et, sous le tissu, se dessinait les marques de ses dents qui incisaient ses lèvres. S. retroussa ses lèvres et sembla pétrifiée par cette icône oubliée. Cléo resservit alors une tournée de liqueur et tout le monde prit son verre cul sec. Et alors que Lux reposait son verre, son visage et son cou furent saisis par deux mains délicates et une paire de lèvres rouges et flamboyantes se posèrent sur sa bouche. Le baiser dura quelques secondes puis S. s’éloigna. Lux passa sa langue sur ses lèvres, pour faire durer le goût, et la bouche se S. se froissa d’un sourire malicieux. « J’ai toujours rêvé d’embrasser une star de la télévision. » Parenthèse VI : Le goût des lèvres de Lux « Lux avait un étrange goût acidulé sur les lèvres, peut-être son rouge qui était si doux, un petit goût de framboise, je crois. Ensuite j’ai senti la cigarette, puis l’alcool, comme si je m’enfonçais dans les entrailles de son corps. Et j’ai frémis. C’était tout de même extrêmement doux, la texture de sa bouche, les rainures, la chair, tendre, c’était doux et j’ai adoré ça. »
L’Odyssée de Julia Montaigu et Natalia Capulet, alias Slasher Girl et Punk Daughter - I.:
Julia Makarova était née dans un lointain pays de l’Est, une région perdue entre deux mers, faite de champs et de fleurs. Natalia Ekaterina était issue d’un pays voisin, séparé par une frontière belliqueuse, aux relations haineuses depuis plusieurs générations. Dans leur tendre enfance toutes deux et leurs familles migrèrent dans une proche banlieue de la cité, dans l’espoir naïf d’une vie meilleure. Dès qu’elles entrèrent à l’école, Julia et Natalia sympathisèrent et, quelques années plus tard, elles se mirent à étudier l’école buissonnière. Celles-ci passaient tellement de temps ensemble que leurs parents finirent par découvrir cette relation, notamment les origines des jeunes filles ; s’en suivit irrémédiablement une immense discorde et, lorsqu’elles eurent atteint leurs seize ans, elles quittèrent le domicile familial et se mirent à louer un petit appartement de la tour Mercuriale grâce à tout un tas de petits boulots. Le 18A, petit deux pièces dénué de tout charme mais où elles se sentaient capables de refaire le monde avec juste une clope et une bière. De cette amitié avait naquit une relation amoureuse assez conflictuelle mais, semblait-il, indestructible tant elles avaient trouvé en l’autre une fatalité qui dépassait la vie elle-même. Hurlevent
La demeure de Julia et Natalia était située dans le domaine de Hurlevent. Aucun rapport quelconque avec Mr Heathcliff, mais les appartements du dix-septième au vingtième étage de la tour Mercuriale avaient tous été surnommés ainsi en raison du vent violent qui y soufflait mystérieusement de fin août à mi-mai. Il était, durant cette période, impossible aux habitants d’ouvrir leur fenêtre tant les courants d’air se montraient violent. Une année, le premier jour des vents, un habitant eut oublié de fermer sa fenêtre en partant le matin ; lorsqu’il revint le soir il découvrit alors que la poussière et la pollution tapissaient chaque recoin de son appartement sans exception et l’on dut jeter quasiment tous les meubles puis il fallut des journées entières de nettoyage et un nombre incalculable de sacs aspirateur pour récupérer toute la cendre qui s’y était déposée. Ce fut un effort tel que le vieillard qui habitait l’appartement adjacent faillit mourir de fatigue tant et si bien que sa femme mourut à sa place. L’amour est d’une telle absurdité me direz-vous, cela ne peut s’améliorer avec l’âge. Ce soir-là Julia et Natalia zonaient, comme à leur habitude, sur le parking d’une des tours, à boire quelques verres et fumer un petit joint bien roulé avec amour. Entre quelques caresses alcoolisés et baisers enfumés, Julia et Natalia laissaient leur corps danser sur une planche de skate, bonnets vissés sur la tête, collants déchirés, jean éraflés et haut en haillons, cette nonchalance naturelle qui les rendaient si désirables. Julia et Natalia reprenaient le travail le surlendemain car une grève avait saisi le supermarché où elles étaient caissière et vigile. Toutes deux étaient d’une pâleur si pure, d’une blondeur si enfantine, fines, élancées, gracieuses, délicates, ce genre de beautés des pays froids, ce genre de beautés qui naissent de l’obscurité. Et dans leurs yeux pétillait cette lueur, sournoise, vicieuse, méchante et diaboliquement hypnotique. La lune se voila derrière un nuage. Julia trébucha sur son skate et Natalia éclata de rire, un cri de joie qui emplit le parking tout entier d’une candeur et d’une beauté inégalable. « Hey, tu veux pas qu’on prenne notre poussière d’étoile et qu’on aille s’amuser un peu ? ». Julia se releva – sa hanche la faisait légèrement souffrir – et Natalia lui apporta la bouteille d’alcool et le joint. Natalia releva ensuite le haut de Julia et découvrit une large éraflure sur son flanc. Elle imbiba la blessure d’alcool et embrassa Julia. « Allez, viens, on va s’amuser un peu, et tu me feras de beaux dessins éphémères. » Comment fabriquer de la poussière d’étoile appelée aussi craie trottoir
Vider des tubes de colle, les tapisser de vaseline ou de papier sulfurisé, mélanger quatre cuillère à soupe de plâtre de Paris et deux d’aquarelle liquide de la couleur de votre choix, laisser durcir. Ecrire et dessiner.
| Cléo s’était posé => posée j’en suis sûr => sûre ses épaule => épaules Ses yeux marrons => marron sa tâche de naissance => tache l’intégral de la série => intégrale qu’on t’est plus jamais => ait eurent atteints => atteint on dû => on dut |
Dernière édition par Alfy le Dim 16 Aoû - 23:51, édité 3 fois |
| | Meredith EpiolariReine de l'Impro Messages : 1431 Date d'inscription : 29/07/2014 Age : 26 Localisation : Between the peanuts and the cage | Sujet: Re: La cité [S] Jeu 6 Aoû - 11:00 | |
| C'est vrai que pour l'instant c'est un démarrage en douceur, mais je ne trouve pas ça trop lourd (dit la fille qui sort de Proust /PAN/ ) Je dirais même que ce début est moins lourd que d'autres textes que tu as écrit, parce que finalement ici tu relates beaucoup de détails et ça prend du temps, mais c'est mieux que de passer beaucoup de temps sur pratiquement rien Tu poses l'univers et j'aime beaucoup l'ambiance, je sais pas ce que ça peut donner sur la longueur mais pour l'instant ce style détaillé me plait bien et je demande à voir la suite |
| | Alfy Messages : 96 Date d'inscription : 02/11/2014 Age : 27 Localisation : Làààààà ! | Sujet: Re: La cité [S] Ven 7 Aoû - 14:42 | |
| "c'est mieux que de passer beaucoup de temps sur pratiquement rien" PARCE QUE JE PARLE DE RIEN ! (non je blague bien sûr)
Merci pour ton passage Meredith ! J'ai même écrit le II. Enfin, la suite du moins. Je ne sais pas comment tu fais toi pour passer autant de temps à lire et commenter, j'ai pas mal lu mais j'ai rien commenté, honte à moi, la flemme est plus forte que tout... |
| | Meredith EpiolariReine de l'Impro Messages : 1431 Date d'inscription : 29/07/2014 Age : 26 Localisation : Between the peanuts and the cage | Sujet: Re: La cité [S] Dim 9 Aoû - 18:05 | |
| Ah, je suis vraiment fan de cet univers, c'est un vrai plaisir de te lire. Les parenthèses sont vraiment un bon procédé, je trouve, c'est original Je ne sais pas trop comment je fais non plus, mais je ne pense pas que ça continuera l'année prochaine xD |
| | Alfy Messages : 96 Date d'inscription : 02/11/2014 Age : 27 Localisation : Làààààà ! | Sujet: Re: La cité [S] Lun 10 Aoû - 17:40 | |
| Merci encore pour ton passage ! J'ai fait un III. d'habitude j'écris jamais aussi vite. Je suis vraiment hésitant sur la fin de cette partie III. avec le long passage sur le jeu télévisé... Enfin... Il est peut-être trop long, ou peut-être que c'est un peu brusque, je ne sais pas trop, j'hésite à le laisser parce que je pense que ça reflète bien un certain état d'esprit quelque part... Mais bon je verrai si je fais autrement. |
| | Meredith EpiolariReine de l'Impro Messages : 1431 Date d'inscription : 29/07/2014 Age : 26 Localisation : Between the peanuts and the cage | Sujet: Re: La cité [S] Mar 11 Aoû - 10:55 | |
| Wow, non ! Laisse absolument la partie du jeu télévisé, elle n'est pas du tout trop longue ! En fait, on n'arrive pas à situer cette parenthèse dans le temps et l'espace, on ne sait pas trop si c'est un rêve, un truc qui s'est passé juste après la scène précédente ou quelque chose d'autre MAIS ce n'est pas du tout négatif, puisqu'on parle d'une parenthèse. Du coup, au contraire, ça ajoute une dose de charme. Il faut noter aussi que tu as fait fort, parce qu'en installant ton univers glauque tu utilises la télévision comme support pour montrer le désœuvrement des gens de la Cité. Soit. Mais en plus, tu montres que le désœuvrement a lieu MÊME sur le plateau, que cette ambiance glauque est généralisée partout, n'est pas propre à la Cité. J'aime toujours l'ambiance, les personnages, je suis ravie que tu sois inspiré en ce moment parce que ce projet m'emballe vraiment beaucoup. J'avais oublié de te dire que le passage sur le tigre m'avait fait éclater de rire dans la partie II, de même que ce passage : - Alfy a écrit:
- Eve s’était en effet mise en tête de charmer le vendeur de crème glacée et de profiter tout l’été durant de cornets gratuits.
C'est un peu absurde et en même temps plausible, mordant, ça colore l'univers, j'adore :') La suite Juste une petite question : On n'écrit pas Get 27 avec un "G" ? |
| | Alfy Messages : 96 Date d'inscription : 02/11/2014 Age : 27 Localisation : Làààààà ! | Sujet: Re: La cité [S] Dim 16 Aoû - 23:53 | |
| Si c'était bien Jet 27 ahah ! J'en bois pas assez souvent, pour ça, même si parfois c'est grave bon. En tout cas merci pour ton avis, j'ai posté la suite de la première histoire et j'ai commencé une deuxième histoire vu que je ralentissais un peu sur la première et que je me sentais inspiré pour une autre. En tout cas content que tu apprécies l'univers !
PS: j'ai lu la moitié de tes nouveaux Caprichos, mais poste le 41 c'est trop suspens là ! |
| | Meredith EpiolariReine de l'Impro Messages : 1431 Date d'inscription : 29/07/2014 Age : 26 Localisation : Between the peanuts and the cage | Sujet: Re: La cité [S] Mer 19 Aoû - 11:39 | |
| Voilà, j'ai eu du mal à trouver le temps mais j'ai enfin lu la suite et j'aime toujours autant J'aime beaucoup comment le lien entre la seconde et la première histoire est créé, c'est toujours aussi fascinant et le principe des parenthèse (surtout le goût des lèvres de Lux) est génial ! Dans la deuxième histoire (aussi intéressante que la première) il y a juste le "un habitant eut oublié" qui m'a interpellée, j'aurais mis du plus que parfait tout simplement Pour les Caprichos, je vais poster la suite immédiatement xD |
| | | Sujet: Re: La cité [S] | |
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