Derrière ce titre très pompeux auquel je n'ai pas trouvé ce remplacement, un dialogue peut-être un peu cheesy qui ne doit sa forme théâtrale qu'à ma flemme de m'embêter avec la narration. J'aurais voulu pouvoir mieux exploiter l'idée de départ mais il y a quand même quelques beaux trucs. Bonne lecture ~Amand
Pourquoi suis-je toujours coupable, Paulina ? Pourquoi prétends-tu que je fais tes douleurs et tes peines ? Je n'ai rien fait de mal, peut-être ai-je commis des erreurs, mais ce que je veux en définitive, c'est te voir heureuse. Pourquoi me refuses-tu le pardon si tu sais que je t'aime et que je suis prêt à tout endosser, y compris les crimes que je n'ai pas commis ? Éprouves-tu tant de plaisir à me faire souffrir ?
Paulina
Je ne te fais pas souffrir. C'est toi qui te fais souffrir tout seul, ne sachant pas te rendre digne de mon intérêt. Tu me déçois constamment, puis je t'accorde une nouvelle chance que tu saisis avant de me décevoir à nouveau. Combien de temps vais-je te laisser me décevoir ainsi ? Si tu m'aimais tu ne me décevrais pas, je serais heureuse et il n'y aurait ni coupable à sanctionner ni pardon à accorder.
Amand
Te remettras-tu jamais en question ? N'est-ce pas un peu de ta faute si je te déçois ? Avec toi ma voix est toujours trop rauque, ma plume trop acerbe, mon visage trop rugueux et mon sourire trop triste. Tu méprises mon amour. Tu prétends qu'il ne peut avoir de valeur si je ne sais renoncer totalement à moi-même pour toi.
Paulina
C'est un fait, l'abnégation est la plus belle preuve d'amour qui soit. Tu le saurais si tu m'aimais.
Amand
Toi-même fais-tu preuve d'abnégation en exigeant tant de moi ? Renoncerais-tu à toi-même pour moi ?
Paulina
Je ne suis pas tenue de t'aimer. Tu ne m'as pas demandé de preuves et c'est bien ainsi.
Amand
Tous les jours mes yeux demandaient des preuves et tu ne les as pas écoutés. Tu ne me regardes jamais, Paulina. Tu attends de moi que je passe chaque seconde de mon existence à te contempler, que je m'oublie dans ton rire et que je me nourrisse de tes paroles. On ne se nourrit pas de paroles, Paulina. On meurt si l'on ne nous donne que des mots dénués de sens.
Paulina
Jamais je ne t'ai demandé de rester. Tu pourrais bien vivre des mots d'une autre si tu ne m'aimes pas assez pour vivre des miens.
Amand
Comme tu es belle lorsque tu es injuste. C'est là tout le piège, je crois. Tu te complais dans ma culpabilité, et moi je jouis de me sentir quelque chose à tes yeux, même quelque chose que tu méprises puisque tu as pris le temps de me mépriser !
Paulina
Je ne sais si tu es stupide ou fou. Je n'aime pas te voir culpabiliser. Rien ne m'indiffère davantage que de te voir culpabiliser. Lorsque tu culpabilises, je te vois tel que tu es : misérable. D'ailleurs, tu es si méprisable que tu en viens à apprécier les remords qui te rongent. Peut-être même ne me blesses-tu que pour le plaisir d'attendre mon pardon.
Amand
A quoi bon, puisque tu ne pardonnes jamais ?
Paulina
Si je n'avais pas pardonné, tu serais déjà loin.
Amand
Je ne peux pas aller loin ! Souviens-toi, toutes ces fois où je voulais te quitter. Je te suivais, tu me jetais à terre, je rampais, tu m'écrasais, et tu me laissais pour mort. Mais je n'étais pas mort, Paulina. Je n'étais pas mort puisque mon cœur ne savait plus s'arrêter de battre pour toi. Alors je me relevais doucement. Tu étais quelques pas plus loin, tu attendais que je continue ma cour, que je te coures après. J'étais fatigué, je voulais panser mes plaies, cesser de te faire la guerre, de te faire l'amour, de jouer les esclaves et les chevaliers tout à la fois. C'est là que je voulais te quitter. Je décidais que cette fois comme à chaque fois je ne courrais pas, Paulina. Je t'ai tourné le dos et j'ai commencé à marcher.
Paulina
Alors je suis venue vers toi et j'ai pardonné. Tu as tout gâché, tu m'as blessée, mais je t'ai pardonné. Je ne t'ai pas empêché de partir, je t'ai seulement absout.
Amand
Tu es venue, oui, mais as-tu pardonné ? J'ai senti ta main sur mon épaule et je n'y ai pas cru. Je pensais que si je ne te courais pas après, jamais tu ne te retournerais. Pourtant, tu avais fait demi-tour, tu me serrais contre toi et tu disais...
Paulina
… je disais que je ne voulais pas que tu t'en ailles.
Amand
Oui. Qu'est-ce que cela voulait dire Paulina ? Ça n'avait pas de sens. Tu ne voulais pas que je m'en aille, mais cela signifiait-il pour autant que tu éprouvais quoi que ce soit ? Tu n'as pas dit pardon, tu n'as pas dit que tu regrettais, tu n'as pas dit que je n'aurais pas dû faire ceci ou cela, tu as dit que tu avais envie de jouer du piano. Est-ce cela ton absolution ?
Paulina
A quoi bon s'en formaliser puisque c'était vrai ? J'avais envie de jouer du piano. Discuter n'aurait fait que prolonger notre dispute. Il fallait reprendre comme avant, toi, moi, le piano. C'était la plus belle des absolutions.
Amand
Je ne voulais pas reprendre comme avant. Avant il y avait toi, toi la joueuse de piano, toi ma maîtresse, toi et ta course à la beauté. Le piano et moi nous avons jamais existé que parce que tes doigts ont bien voulu nous caresser, que parce que tu percevais notre potentiel décoratif. Je voulais que tu comprennes et je voulais comprendre. Ce n'est pas une vie de vivre comme un instrument de musique.
Paulina
Si ta vie ne te convenait pas, pourquoi es-tu resté ?
Amand
Parce que je n'ai pas honte de t'aimer et que je sais que tu m'aimes un peu même si tu ne l'admettras jamais.
Paulina
Tu ne m'aimes pas puisque tu allais me quitter.
Amand
J'allais te quitter parce que tu m'avais fait comprendre que tu ne voulais pas de moi.
Paulina
Je ne veux pas de quelqu'un qui ne m'aime pas.
Amand
Tu es si fière, je n'obtiendrai jamais rien de toi. Maintenant, je vais partir. Je te mentirais si je prétendais que cela ne me déchirait pas le cœur. Tu auras mal toi aussi, mais tu ne voudras pas l'avouer et c'est bien ce pourquoi je ne peux rester. Je voulais te demander si tu me pardonnerais un jour de t'avoir aimée, mais je crois que ce n'est pas la question.
Paulina
Demande ce que tu as à demander, pour moi le jour de ton départ sera identique aux autres jours à ceci près que je ne te pardonnerai plus.
Amand
Ce n'est pas pour moi que je demande l'absolution cette fois, Paulina. La question que tu dois te poser est la suivante: te pardonneras-tu un jour de m'avoir aimé ?