Inej Messages : 10 Date d'inscription : 22/03/2017 Age : 22 Localisation : Je serai là, un jour. | Sujet: Enfin fini... [S] Lun 1 Mai - 15:28 | |
| Le bruit des explosions est insupportable. À chaque coup qui résonne, plus de morts. Mes oreilles sifflent et le vent froid qui souffle dans ma tête fait hurler les morts. L’odeur poisseuse du sang me donne une terrible nausée, et mon cerveau bout dans ma boîte crânienne. Je frémis à chaque pas de plus sur ce tapis sanglant de cadavres. Je manque de me tordre une cheville, tombe, et me relève avec difficulté. J’entends une pluie de balles au loin, même si je sais qu’ils sont très proches. Qui qu’ils soient, amis ou ennemis, autant les fuir, je serai mort avant qu’ils ne se rendent compte qu’il y avait quelqu’un.Encore des hommes qui tombent. Et si je ne trouve pas vite un abri, je serai des prochains. Mais plus j’avance, et plus je me perds dans cet immense tombeau. Des coups de feu, des explosions, puis encore des coups de feu.Ils avancent.Mais à quoi bon se cacher ?Si je m’en sort aujourd'hui, qu’en sera-t-il demain ?Je suis un homme mort. On dit que l’espoir fait vivre, mais que se passe-t-il quand il n’y a plus d’espoir ? Ne vaudrait-il pas mieux mourir maintenant, le corps criblé de balles pour en finir plus rapidement ? Ici, s'il y a bien une seule chose dont je n’ai pas peur, c’est de la mort. Une fois sans vie, ce cauchemar interminable sera enfin fini. Je ne serai qu’une perte de plus. Un homme parmi tant d’autres. Ma vie ne vaut plus rien après ce que j’ai vu et vécu ici. Moi qui suis insomniaque, ces visions d’horreur défileront toujours dans mon esprit, à toute heure, le jour comme la nuit. Je ne ressentirai plus de douleurs physiques, mais la guerre aura gravé dans ma tête des blessures bien pires, invisibles et éternelles. Les souvenirs seront toujours là. Je ne sais plus pourquoi je me bats. Contre qui, où je suis, qui je suis, même.Tout se mélange dans ma tête, les souvenirs joyeux de mon enfance se mêlent avec les images effroyables des combats.Et les coups de feu se rapprochent, encore et encore.Des os craquent sous mes pieds alors que je me dirige vers… vers quoi, au juste ?Tout est détruit, le sol, le sang et le ciel se mélangent. Quel jour sommes-nous, quelle heure est-il, quelle importance ? Combien d’hommes sont morts, combien vont encore mourir, à qui profite cette guerre ?Ce qui était important ne l’est plus. Car plus rien n’a d’importance.Alors je saute dans un trou d’obus pour y trouver la mort, et demande à tous ceux que j’ai connu de me pardonner pour cet abandon, ainsi que pour toute cette lâcheté.Je pense à ma femme, qui attend avidement de mes nouvelles, espérant toujours, que je reviendrai. Je pense à ma fille, qui n’attend que mon retour, pour vivre comme avant, comme quand tout allait bien… J’adresse une prière silencieuse pour que la paix revienne une jour dans ce monde cruel et belliqueux. Je me laisse tomber dans le creux de la terre, alvéole si calme au milieu de ce vacarme.Mais arrivé en bas, tout se passe trop vite. Je n’ai même pas le temps de voir ce jeune Allemand, avant de sentir une lame me transpercer. Je vois le sang dégouliner de la plaie béante quand il retire son poignard de mon ventre. Je sens chaque organe, chaque millimètre de mon corps se réduire en chair à corbeaux. À chaque seconde, la douleur se fait plus vive. Je souffre davantage à chaque inspiration. Et plus je me force à rester calme, plus je sens la panique monter en moi. Je suis encore plus sûr de vouloir la mort, pour mettre enfin un terme à ce martyre. J’agonise dans une souffrance telle qu’il n’en a jamais existé. J’ai l’impression de sentir chaque cellule de ma chair se calciner petit à petit. Une mort lente et douloureuse s’annonce.Les ombres dansent autour de moi, les chiffres, les dates, les lettres, les mots, les images, tout cela tourne autour de moi, autour de mon cadavre. Tout bourdonne dans mon cerveau. Je vois mon passé, mon présent, mon futur. Je vois tout. Ou je ne vois rien. Tout est si flou et si net à la fois. Je ne sais plus rien mais je sais tout ce que personne ne saura jamais. Du sang, toujours du sang…La vie s'éclipse de mon corps inerte, atome par atome. Une vive souffrance et puis plus rien. Le néant. Mes yeux sont vides, je ne bouge plus, ma conscience est apaisée.Mon cauchemar est enfin terminé.Tout va bien, tout est noir, tout est blanc, tout est calme, le vent ne crie plus et je ne vois plus rien. Je ne verrai plus jamais.C’est enfin fini… | si il y bien => s'il y a bien Tout ce mélange => se mélange |
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