J'avais l'air amoureux en lacérant la gaze,
De ce piano aqueux, timide kamikaze,
Dont les humides yeux, dégoulinants topazes,
Hurlaient la note bleue – élyséenne extase !
Mi bémol, mi amor,
Si, ré, do, las mon corps.
J'ai joué hors de portée, en artiste virtuose,
Entre ses reins planté quelques arpèges roses :
« Ronde, blanche, pointée, jolie petite chose,
Je vais t'improviser un concert-ecchymose ».
Mi bémol, mi amor,
Si, ré, do, las mon corps.
Les doigts dans mon morceau, oubliée ma noèse,
J'ai traité mon piano de gouvernante obèse
(Traditionnel bureau des accords parenthèses),
Pour graver sur son dos une lettre à Thérèse.
Mi bémol, mi amor,
Si, ré, do, las mon corps.
Ce méfait accompli, j'ai pleuré de bêtise :
J'avais deux rosalies perdues sur ma chemise,
Suffisante ordalie, preuve de ma traîtrise,
« Va », me dit ma folie, « Va-t'en, je te méprise ».
Mi bémol, mi amor,
Si, ré, do, las mon corps.
Pour cette bagatelle, en lamineur d'épouses,
J'ai perverti le duel de nos bouches ventouses,
Violé au glockenspiel son heureuse pelouse :
« Je t'aime jusqu'au ciel, de quoi es-tu jalouse ? ».
Mi bémol, mi amor,
Si, ré, do, las mon corps.
Brisée, la bouche en lyre, elle répond, confuse :
« J'ai aimé ton désir, je me croyais ta muse,
Mais tu peux bien t'enfuir, si me blesser t'amuse ».
Pause, double soupir : je n'avais pas d'excuse.