Joyeux anniversaire Dada
Le vent soufflait doucement. C'était peut-être sur une lande, sur une crique, sur un cimetière. C'était sans importance, puisque doucement soufflait le vent.
Il y avait là une porte, une simple petite porte blanche qui ne menait nulle-part, ou du moins pas bien loin. C'était sans importance, puisque les gens de cette lande, de cette crique, de ce cimetière, la franchissaient pour le seul plaisir de passer son encadrement. C'était sans importance, puisque doucement soufflait le vent.
La porte était fière, elle se tenait bien droite au milieu de la lande, de la crique, du cimetière. Elle était toujours ouverte pour permettre le passage à qui voudrait la franchir. Le feu ne la chatouillait pas, les béliers ne la forçaient pas. C'était sans importance, puisqu'elle était déjà ouverte et qu'il n'y avait rien dont il fallût se protéger. C'était sans importance, puisque doucement soufflait le vent.
La porte sentait le sable, les chameaux, les odalisques. Les gens venaient avec leurs rêves d'Orient et lorsqu'ils avaient traversé la porte, ils avaient voyagé mille lieues, peut-être plus, qui sait ? C'était sans importance puisque de l'autre côté ils retrouvaient leur lande, leur crique, leur cimetière. C'était sans importance, puisque doucement soufflait le vent.
Par la porte étaient passés des meuniers, des forgerons, des chevaliers et des seigneurs. Certains voulaient l'embellir, la parer d'or et de couleurs. Elle refusait poliment avec ses mots de porte. C'était sans importance, puisqu'elle était déjà belle. C'était sans importance, puisque doucement soufflait le vent.
Par la porte étaient passés des fous, des rois, des charpentiers et des voleurs. Certains voulaient la séduire, lui chanter des poèmes et des fleurs. Elle riait poliment avec son petit rire de porte. C'était sans importance, puisqu'elle aimait déjà. C'était sans importance, puisque doucement soufflait le vent.
La petite porte aimait, donc, elle aimait tous ceux qui la franchissaient : les meuniers, les forgerons, les chevaliers et les seigneurs ; mais aussi les fous, les rois, les charpentiers et les voleurs. Les hommes n'étaient pas conscients de son amour, car ils connaissaient mal les amours des portes. C'était sans importance, puisqu'ils lui rendaient malgré tout cette affection. C'était sans importance, puisque doucement soufflait le vent.
Les heures passaient, les gens étaient heureux de passer la porte, et la porte était heureuse d'être porte et de remplir sa fonction de porte. Au coucher du soleil, fatiguée mais heureuse, la porte s'endormait : ouverte comme elle était née.