| | IskupitelSire de Picardie, Souverain des Isles de Coupe et de Pitel Messages : 496 Date d'inscription : 26/07/2014 Age : 26 Localisation : Ouest de la France | Sujet: Inchangé sourire [P] Lun 25 Jan - 21:22 | |
| « Porte-moi sur ton dos, fais-moi voir les oiseaux. »
Les yeux brillants, elle est là, sous moi, la tête dressée, les yeux tant vers le ciel que vers les miens. Ses taches de rousseur, parsemant ses pommettes, semblent accompagner les étoiles de ses prunelles. Sous ce firmament hétérogène, la terre promise, la bouche des Hommes, le sourire de l'Enfant. Elle répète sa phrase, pensant que je n'ai pas entendu, enchantant mes oreilles du son cristallin de cette bouche de tous les désirs. Sa tête, droite et symétrique, scrute la lueur de vie au fond de mes yeux. Son sourire disparate, aux dents imparfaites, luit de sa volonté, complété et amplifié par ses lèvres, écartées à l'extrême, voile absent de ses jeunes dents au désir d'ouragan libérateur. Son sourire fait naître de petites rides sur ses joues, glissant jusqu'à la naissance de son menton, paradoxe ultime de la jeunesse de son éclat. Ses yeux se font interrogateurs, et elle attend, désireuse, une réaction de la part de cette grande mascotte qui lui fait face de toute sa hauteur. Avec un doux sourire, j'acquiesce, mes yeux vert sombre se perdant dans l'eau bleue des siens l'espace d'un instant. Pour étayer sa requête insistante déjà accordée, elle relève les yeux et reprend la parole, faisant se mouvoir dans le même temps sa chevelure claire.
« Montre-moi si c'est beau, de vivre tout là-haut. »
Je plonge, elle grimpe, et je replonge.
Toute cambrée, son ventre battant contre ma nuque, elle garde la tête vers les nuages, ne me laissant plus en pâture que l'extrémité de ses cheveux. Je lui parle, lui demandant si elle est bien, si elle est heureuse, si elle veut rester. Sans un mot, ses cuisses resserrent leur emprise sur mon cou, presque imperceptiblement, tandis que ses mains caressent mes cheveux et que ses pieds battent doucement, innocemment, contre mes côtes, comme un écho à sa propre blessure. Puis elle tressaille, semble tomber, m'obligeant à la retenir d'une main dans le dos, qui se veut douce autant que ferme. Son parfum m'envahit tandis que ses jambes glissent et que, dans un réflexe, je me retourne pour la tenir dans mes bras, attendrissant. Ses yeux sont mi-clos, fatigués. Je m'agenouille, la tenant comme un enfant malade, son corps entre mes bras, mon visage au-dessus du sien, écoutant sa respiration, comme si elle se mourait. Avec des yeux légèrement plissés, je lui chuchote, questionnant son état. Dans un souffle, elle acquiesce, et demande ses béquilles. Je les lui attrape, la soulève pour lui faire adopter la position nécessaire. L'aidant toujours de mes mains presque paternelles, j'encadre sa marche lente et hasardeuse vers le bâtiment, m'assurant de ses appuis, la soutenant par le nœud, invisible, de ses huit années de souffrance et de solitude qui bientôt prendraient fin. Si j'en suis amoureux, je reste engoncé dans un costume trop grand pour pouvoir l'endosser. Je ne peux que l'aimer, mais bien trop, bien trop fort, trop ardemment. Là où elle ne l'a jamais été, j'ai été guéri ; ce mal-amour s'est enfui, et moi derrière lui. Mais la revoir ainsi, la tenir dans mes bras, la main sur mes épaules, m'a aujourd'hui fait comprendre que je tiens plus à elle que je tiens à la vie ; que dans le même temps c'est un poison comme c'est une drogue, et que si j'en approche j'en serai éloigné. Dans l'absence et le silence, son sourire et ses yeux m'appelaient ; elle était amoureuse, et moi je la fuyais, attiré par son bien, pourchassé par le mien.
J'étais partagé, ce jour-là, entre un sourire au destin, à ce fil tendu de l'inhumanité de la vie, et un pleur souverain, motivé par la maladie. Je ne voulais pas la perdre, la voulais toujours à mes côtés. Je la voulais proche quand elle s'est éloignée ; je ne sais que la vouloir loin, puisque j'ai replongé. Je la voulais souriante et la voulais pétillante, comme je la voulais heureuse et joueuse ; elle était mourante et cancéreuse.
Sur le pas de la porte, alors que par mes pas attristés m'avaient ralenti davantage que les siens, elle se retourna et, pendant que les portes coulissantes se refermaient, m'adressa un sourire, ce sourire amoureux, mais qui fut le dernier. [-] - Après-propos:
Le quinzième texte souriant est enfin là J'espère que vous avez aimé le lire ~ S'il vous a plu ou s'il vous a déplu, n'hésitez pas à le dire dans les commentaires ~ (Héhé, on dirait une fin de vidéo Youtube :')) Si vous avez quoi que ce soit à dire, commentez, même si c'est pour dire que votre poule nommée Pâquerette est malade, comme ça on pourra pleurer ensemble Et vivement le n°16
| tâches de rousseur => taches de rousseur elle tressaillit => tressaille (concordance des temps) |
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| | Meredith EpiolariReine de l'Impro Messages : 1431 Date d'inscription : 29/07/2014 Age : 26 Localisation : Between the peanuts and the cage | Sujet: Re: Inchangé sourire [P] Mer 27 Jan - 19:16 | |
| Un poisson nommé Wanda est mort A part ça, chouette texte Je trouve que pour un thème vu et revu (une personne malade dont le héros est amoureux et qui finit par mourir, wow, faites péter la sensiblerie !), c'est vraiment très bien. Il y a une vraie originalité dans le style et quelque chose de passionné, de subtilement sensuel et très... Iskupitel. De la fin tragique on ne retiendra que ce moment volé, l'image d'une jeune fille sur les épaules d'un jeune homme. Ouais, c'est vachement beau J'adore ce paragraphe : - Isku a écrit:
- J'étais partagé, ce jour-là, entre un sourire au destin, à ce fil tendu de l'inhumanité de la vie, et un pleur souverain, motivé par la maladie. Je ne voulais pas la perdre, la voulais toujours à mes côtés. Je la voulais proche quand elle s'est éloignée ; je ne sais que la vouloir loin, puisque j'ai replongé. Je la voulais souriante et la voulais pétillante, comme je la voulais heureuse et joueuse ; elle était mourante et cancéreuse.
J'attends avec impatience le 16ème texte souriant |
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