| | MidnightMaîtresse incontestée des vices infantiles Messages : 359 Date d'inscription : 29/07/2014 Age : 24 | Sujet: Sondage concours anniversaire Mer 19 Aoû - 14:15 | |
| Avec un peu de retard, voici le sondage pour le concours d'anniversaire. J'expérimente un nouveau mode de vote, on verra bien le résultat, alors merci de jouer le jeu ~ - Fai tot petar miladiu !:
« “Je ne sais pas faire de belles phrases, Ai-Ling, et je n'ai pas l'expérience des sentiments les plus nobles. Mais dis-moi : est-il possible d'aimer deux personnes en même temps ?” Elle le serra très fort. “Mais bien sûr, imbécile.” »
Relevant la tête, il pesta en son for intérieur. Et pourquoi-t-y pas dire la polygamie c't-y ben normal ? Créfieu, eul' monde marche sur la teste. Il jeta le livre à terre et se leva du fauteuil en cuir rendu solide comme le roc par des décennies d'utilisation. Pestant, cette fois à voix haute, contre la propagande communiste véhiculée par les romans de science-fiction, il donna un coup de pied dans le chien, qui avait le malheur de passer par là à un moment qui n'était pas propice pour tous. Sous ses sourcils naturellement froncés, son nez déformé par une vieille blessure était un réconfort pour l'œil devant se poser sur sa bouche, sorte d'orifice animé, poilu et édenté qui semblait en perpétuel martyr, projetant de temps à autre ou de profonds et lugubres râles, ou des glaires étudiés. Ses yeux, engoncés, nichés qu'ils étaient au fond de ses orbites, n'étaient d'aucune couleur identifiable.
Après quelques pas, il se trouva en dehors de sa petite maison. Le Beagle vint le rejoindre et se posa à ses pieds, manquant visiblement de nourriture mais n'osant aboyer ou faire un signe pour en demander, de peur de devoir en être réduit à ne manger que le cuir des bottes usagées de son maître – et par le flanc, qui plus est. Au sommet de la volée de marches de pierre ancienne menant à son logis, il posa ses mains sur ses hanches et observa d'un regard suspicieux mais aguerri le moindre mouvement dans le village déployant ses masures en lente décomposition devant lui. Au loin, derrière les dernières toitures d'ardoise décrépite, la verdure daignait apparaître, profitant d'une colline pour étaler ses quelques arbres touffus à la vue de tous. Lentement, les feuilles des chênes vénérables situés non loin de la crête de la formation géologique se mirent à frissonner sous le regard condescendant mais attentionné d'une bise imperceptible.
Après plusieurs minutes d'observation immobile, il sortit de sa poche arrière un paquet cartonné en piteux état duquel il extirpa une cibiche qu'il fit se consumer tout en ne cessant de darder ses petits globes indiscrets sur les fenêtre et dans les rues du hameau. Ajoutant au gris des murs les teintes de la fumée exhalée, il remarqua l'arrière d'une voiture parquée à un lieu inhabituel. Doucement, il se dirigea vers l'auto garée devant la demeure de son voisin oriental. À la vue de la plaque d'immatriculation affichant un fier 03, il fit un pas en arrière. Une fois le coup accusé, il reprit ses esprits et cracha sans vergogne sur le véhicule provenant d'un autre département que le sien. Redressant le chef pour humer l'air, il vit, assis sur une chaise, abrité par un parasol de glacier, ce qu'il admit comme étant le propriétaire de la tire qu'il avait tenté de nettoyer. Celui-ci s'avança d'un pas pressé et posa des châsses rouges de rage sur un Giraud dont l'expression faciale pouvait évoquer celle d'un homme penaud.
« Mais qui êtes-vous ? Seriez-vous devenu fou ? — Ma prinou c't'y Giraud, d'la ferme du mêm' nou. — Pourquoi avez-vous éructé sur mon Audi ? — Z'êtes ben beuvïd. Qu'est-ce peut être vot' nou, p'tit ? — Beuvïd pour sûr, bouseux. Mon prénom est Isku. — Bouzud ? Bourjeiz cheitït. Beurez be én veirou ? — Si j'vous dis oui pour un p'tit gris, nous serons bons ? — Puou ! J'avoir qu'du vieux grizou d't'façon, be don ! »
Les deux hommes marchèrent ensemble, en silence, dans la rue pentue menant à sa bicoque perchée non loin, adossée à une ancienne étable reconvertie en ruines sources de pierres diverses. Giraud installa son invité sur une assise de plastique blanchi par le temps aux pieds dans l'herbe fraîche du jardin. L'hôte se glissa sous une planche de bois clouée en travers de la porte, et revint quelques instants plus tard avec, à la main, une petite bouteille d'alcool et deux verres. Ils trinquèrent, encaissèrent une première levée de coude, puis toute sa famille de culs-secs, avant que Giraud fasse claquer son ballon contre le plateau métallique du meuble d'extérieur. Pointant un coquillard vers le ciel, il s'écria :
« Parbleu ! C't'y pas une tripotée d'anges que j'peux voir ? »
Son interlocuteur, commençant à être sous l'emprise de l'alcool local, ne put qu'acquiescer avant d'ajouter :
« C'est moi qui les ai appelés. Vous allez voir. »
Les chérubins atterrirent en toute hâte, souhaitant ostensiblement en finir au plus vite. Au nombre de sept, ils vinrent autour des deux hommes attablés et se présentèrent comme Merediel, Darliel, Midniel, Dyssiel, Lullabiel, Milaïel et Oriel, les sept messagers de la volonté de Dieu. En voyant Isku, ils plièrent le genou et énoncèrent un psaume à basse voix avant d'agiter leurs ailes blanches, comme pour les épousseter ou les étirer.
« Le Ciel est loin de cette terre paysanne, lâcha finalement Lullabiel. — L'est ben utile, c'teu lointain' terre paysann', répondit Giraud d'une voix chancelante. — Nous n'en doutons point. Giraud, écoutez…, intervint Dyssiel tout en chassant de son front une mèche bleu électrique récalcitrante. — Nous venons du Paradis pour vous rencontrer, compléta Darliel. »
Giraud regarda Isku, l'air interrogateur. Celui-ci haussa les épaules et prit le temps d'achever sa boisson avant de prendre la parole. Calmement, il expliqua des choses et d'autres, perdant le modeste bougnat dans des soliloques grandiloquents aux allures de sables mouvants. De temps à autre, l'autre ralentissait et insistait sur certains mots. Giraud, toutefois, se trouvait complètement perdu et n'avait que peu le loisir de demander des explications, tant et si bien que lorsqu'Isku s'arrêta, le maître de maison demanda à Midniel, qui était la plus proche, de lui résumer les paroles de l'intervenant précédent. Défaisant d'une main la queue de cheval maintenant ses longs cheveux noirs, elle se pencha vers le riverain, posa sur lui ses yeux d'un sublime et envoûtant bleu ambertois, et vint lui souffler doucement dans l'oreille la nature divine et paresseuse d'Iskupitel.
L'étonnement se lisant de manière apparente sur l'ensemble de son visage, Giraud se leva brusquement, faisant tomber son siège dans un petit bruit mat dû la matière le composant. Lesté, il ne rebondit pas, ce qui aida sans doute à la crédibilité de la scène. Fixant la divinité, il lui demanda, avec toute la grâce et le charme de son patois, pourquoi l'Immortel qu'il était vivait en Bourbonnais, à la limite de la Nièvre, alors que seule l'Auvergne pure était digne d'un tel personnage. La réponse consista en un petit sourire en coin de la part du xénarthre. Remuant ses trois griffes dans les airs, il se tourna vers ses portes-parole et leur dit :
« Ô vous, mes chers et zéphyriens séraphins, Comme je suis heureux de vous voir réunis ! À présent, je veux vous voir évincer ici, À l'ombre de mes vasistas, ce malandrin. »
Puis vint un long monologue au cours duquel la déité expliqua son désir profond de voir périr le pauvre bougnat qui, malgré ses jambes tremblantes, faisait tout son possible pour ne pas fuir et défendre avec fierté son pays natal contre les assauts surnaturels des vichyssois. Il remarqua que Merediel, Oriel et Milaïel ne s'étaient pas encore exprimés, et qu'ils restaient, même lorsque leur seigneur discourait, en petit cercle à bavasser. Il éprouvait l'envie indicible de se joindre à eux et de les prendre en otage. Hélas, il lui serait difficile d'agir tout en gardant son identité cachée. Après avoir hésité, il étudia les obstacles sur sa trajectoire : seule Darliel obstruait sa ligne de mire. Sans laisser à l'idole le temps de terminer son flot d'idioties, Giraud s'élança en direction de Darliel et, posant ses mains sur ses hanches comme pour danser un slow, il la fit tourner et passa, dans son dos avant que de s'éclipser et d'aller rejoindre les trois serviteurs isolés. Ces derniers posèrent sur lui des prunelles noires de jais exprimant une incompréhension certaine. C'est alors que, sous leurs yeux, Giraud se métamorphosa.
Au revoir enveloppe physique répugnante ; au revoir crachats et raclements de gorge ; au revoir pilosité abjecte : sa nouvelle forme, plus massive, plus grande, plus carrée, se passait bien de ces détails. Sa figure était géométrique mais d'une symétrie et d'une harmonie remarquables ; ses iris rouges faisaient écho à la couleur de ses lobes d'oreille. Ses bras, plus musclés que naguère, étaient recouverts de veines apparentes donnant à sa silhouette une certaine allure robotique. Ses pieds avaient été remplacés par de fiers sabots de faune, et sur sa tête, parmi les cheveux devenus rouges, deux cornes massives avaient poussé. Toutefois, plus qu'un croisement avec un bovin, Giraud était devenu une créature de premier ordre. En effet, son dos nu s'était recouvert d'un symbole embrasé et flamboyant figurant le Démon Primordial, Satan.
Profitant de l'effarement général, Giraud prit en otage Milaïel, Merediel et Oriel, dressant une barrière de flamme autour d'eux quatre pour empêcher leurs camarades de venir à leur secours. Ayant interrompu ses digressions, Iskupitel se mit à rire franchement en voyant les efforts que faisait le bougnat pour rester en vie.
« Voilà donc le grandiose Auvergnat de Brassens ! Êtes-vous contents, vous mes serviteurs ailés ? Je dois dire que nos chances ne sont que minces Face à un tel Apollon du Monde Enterré. »
Montrant des crocs d'une longueur impressionnante tout en accentuant le rouge colorant ses calots, Giraud rugit longuement. Merediel tenta d'en profiter pour s'échapper. Hélas, le démon la vit, et fonça sur elle pour lui déchiqueter méthodiquement chaque millimètre de peau, en commençant par ses ailes, qu'il savait être le point faible de ces êtres célestes. Pendant ce temps, Milaïel et Oriel fuirent prestement, volant avec habileté au-dessus des flammes installées par l'Arverne. Lorsqu'il s'en aperçut, se repaissant encore du corps mutilé de Merediel, la créature des Enfers devint folle de rage et, dans un accès de colère, hurla un Fai tot petar miladiu ! qui résonna à des milliers de lieues à la ronde. Si au premier abord rien ne se passa pour donner l'écho à l'autochtone, après quelques secondes ce fut le monde tout entier qui lui répondit. De tous côtés, les volcans se réveillaient, bousculant l'eau les ayant jusqu'ici bouchés dans de spectaculaires gerbes d'eau et de vapeur et crachant par la suite le feu en provenance des entrailles de la Terre, répandant le magma dans le pays tout entier. Accédant à l'appel de Giraud, l'Auvergne s'était réveillée et éclaboussait le monde dans son intégralité de ses sécrétions fumantes et mortelles.
Ayant été surpris par les effusions volcaniques, les êtres issus d'Éden n'eurent pas le temps de s'enfuir ; et Iskupitel et Dyssiel, qui tentèrent de s'échapper par la voie des airs, virent leurs ailes être brûlées, tels des Icare de seconde zone méritant de périr dans le feu sacré des Volcans d'Auvergne. Les autres envahisseurs furent rapidement réduits en cendres ou dévorés par les Puys eux-mêmes, avides de sacrifices plus encore qu'une idole paresseuse.
- Une mission embrasée:
Le capitaine Picard embrasa sa cigarette. Une sale journée s'annonçait pour lui et son équipe. En effet, les services secrets étaient appelés à résoudre la plus grande affaire de tous les temps. Une mission de la plus haute importance qui allait mobiliser tous les membres.
- Chers amis, écoutez ! On nous a dérobé L'un de nos biens sacrés, Aussi notre unité Doit le récupérer !
Une voix s'éleva à l'entente de ce discours :
- Enfin un peu d'action, Du sang, de la mitraille ! Nous nous enlisions, Regardez : Lulla baille.
Toute l'équipe avait renoncé depuis longtemps à empêcher l'agent Baleine de lancer des jeux de mots pourris. Aussi les agents ne se fatiguèrent pas en réponses inutiles et se mirent en devoir de s'équiper avec les fameux gadgets du docteur Ore. Il fut décidé que celui-ci et l'agent Cube resteraient au quartier général pour guider le capitaine Picard, l'agent Lulla et l'agent Baleine sur le terrain. Quant à l'agent Gno, il demeurait introuvable.
- Qui est notre suspect ? demanda l'agent Lulla. - C'est l'affreux Niquedouille ! répondit le docteur Ore. - Sapristi, cette andouille ? s'exclama l'agent Baleine. - Eh oui, je sais, je sais... soupira le bon docteur.
S'introduire dans les quartiers de l'affreux Niquedouille fut un jeu d'enfant. En effet, le capitaine Picard avait occupé un statut important dans sa société et avait conservé un certain nombre de privilèges. La mission commença à se révéler périlleuse au moment où nos trois héros s'introduisirent dans le bureau de Niquedouille. A partir de ce moment, ils seraient bien en peine de justifier leur présence en ces lieux. Ils fouillèrent les tiroirs un par un, ouvrirent les portes des meubles, regardèrent au plafond, mais rien : nulle trace de l'objet dérobé. L'agent Lulla finit par dégainer son talkie-walkie :
- Doux Zéphyr à Bravo Doux Zéphyr à Bravo ! Vous me... shhh... recevez ? Répondez, terminé.
La voix du docteur Ore lui parvint bientôt depuis le quartier général :
- Bravo à Doux Zéphyr, Vous avez... shhh... trouvé L'objet de nos désirs ? Répondez, terminé.
Lulla répondit :
- Non, nous cherchons encore Vous pouvez nous aider ? C'est à vous docteur Ore, Répondez, terminé.
Elle espérait que les caméras indiqueraient à leurs amis restés au quartier général quelque chose qui aurait pu leur échapper. Malheureusement, avant qu'ils ne puissent analyser leurs écrans, l'agent Cube signala au docteur Ore un danger qui menaçait leur équipe :
- Le fromage est coulant, Arrêt de la mission ! Le fromage est coulant, Rentrez à la maison !
A travers cette subtile indication codée, le docteur Ore signalait aux membres sur le terrain que l'affreux Niquedouille s'apprêtait à pénétrer dans son bureau. L'agent Baleine, l'agent Lulla et le capitaine Picard se regardèrent inquiets : ils n'avaient pas le temps de sortir sans se faire remarquer. Ils décidèrent de risquer le tout pour le tout de menacer Niquedouille pour le faire parler. Ils sortirent du bureau et trouvèrent l'affreux entouré de ses gardes du corps :
- Que personne ne bouge ! s'exclama le capitaine Picard. Ou sans hésitation, Nous utiliserons...
- NOTRE GROS BOUTON ROUGE ! complétèrent les autres.
Stupeur parmi les rangs ennemis. Le talent du docteur Ore pour concevoir ce genre de gadget était bien connu. En effet, même dans le civil, tous les jardins étaient équipés de boutons d'Ore. Ceux-ci n'avaient toutefois pas de fonction très importante : ils se contentaient d'indiquer à leur utilisateur s'il aimait le beurre. Le gros bouton rouge était l'arme ultime : en le pressant les forces spéciales provoqueraient des dégâts considérables !
- Pitié, que voulez-vous ? supplia Niquedouille les mains en l'air. Notre orange sacrée ! On nous l'a dérobée ! affirma l'agent Baleine sans se démonter. - Pas nous, ce n'est pas nous ! répondit Niquedouille.
Cependant, les trois agents n'étaient pas dupes. Ils allaient répliquer lorsque le docteur Ore intervint via le talkie-walkie de l'agent Lulla :
- Bravo à Doux Zéphyr ! Mission... shhh... terminée, Nous l'avons retrouvée !
- Eh, c'est quoi ce délire ?
L'incrédulité se peignait sur le visage du capitaine Picard.
- On vous expliquera, C'est très drôle, ah, ah, ah !
Les trois héros sur le terrain avaient hâte de comprendre pourquoi leur camarade riait comme une baleine. Ils firent leurs excuses à Niquedouille et à ses sbires et rentrèrent au quartier général. La première chose qu'ils virent fut que l'agent Gno avait été retrouvé ! Le docteur Ore expliqua :
- C'est Gno qui a mangé Notre orange sacrée, Puis elle a sommeillé Toute la matinée !
Puisque rien ne leur avait été volé, la mission était en effet terminée. L'agent Lulla ne put contenir sa joie :
- Wow, c'est un truc de ouf ! On la cherchait partout, C'était là, devant nous ! Mission accomplie !
Puis, comme il manquait un pied et une rime, l'agent Cube ajouta :
- Plouf.
- Ils connaîtrons des jours meilleurs (hors-compétition):
Un petit garçon courait dans les rues de Szaphyr Embrée, les pieds nus, les habits défaits. Il ne prêtait aucune attention aux regards ayant le temps de s’attarder sur lui, certains réprobateurs, d’autres trop attendris par cette jeunesse si rare aux environs. Il s’arrêta brutalement devant une porte à la dérobée, dissimulée par un vaste rosier mural, et poussa le battant, qui s’ouvrit sur une petite pièce froide. Ses yeux se plissèrent dans la pénombre et s’illuminèrent aussitôt. Faiblement éclairé par une ampoule usée, un homme d’un certain âge était penché sur un établi de bois, absorbé par son travail. « Tu arrives bien tard. -Excuse-moi, grand père, je n’avais pas vu l’heure. -Viens donc ici. » Le gamin s’approcha. Devant lui, alignés soigneusement en colonnes par ordre de taille, douze fusils de guerre de sortes différentes étaient couchés sur le flanc. Les armes sommeillaient, encore inoffensives, vides de tout projectile mortel. Il empoigna le carré de tissu posé dans un coin du meuble de bois et s’attela à sa tâche. Il passa minutieusement le chiffon sur le contour du canon d’un petit mousquet, comme le lui avait enseigné son mentor. Tous deux travaillèrent en silence, jusqu’à ce que l’apprenti ne vienne à le briser : «M’apprendras-tu un jour à être un vrai soldat ? » Une belle plume de colombe s’envole au-dessus des arbres naissants quelques mètres plus bas. Ses contours froissés par la paume rugueuse qui l’enserrait quelques instants plus tôt ne l’empêchent pas de planer gracieusement dans les airs, dessinant de larges courbes au gré du vent, observée par deux yeux noirs et humides. Ceux-ci se plissent une seconde pour chasser l’eau salée qui trouble leur champ de vision. Mais lorsqu’ils s’ouvrent à nouveau, elle a disparu, sans doute emportée par un courant contraire. Leur propriétaire les dirige plus loin, vers le soleil rougeoyant qui n’est maintenant plus qu’un demi-cercle surplombant le village de Szaphyr Embrée, qui semblait pouvoir s’enflammer à tout moment. D’une main distraite, il glisse entre ses doigts quelques brins de l’herbe déshydratée qui peuplait la colline où il était assis. Il n’y avait qu’au sommet de ce grand tas de paille qu’il avait pu trouver un peu de réconfort. Ici les souvenirs s’infiltraient en lui comme un filet d’eau claire nettoyant doucement les blessures, sans faire mal. Ici il pouvait voir le lieu où il avait grandi, où il avait compris que la vie n’était pas constamment surplombée par un ciel sans orages. Ici il avait réalisé que la mort pouvait frapper n’importe quand. Même sous la plus calme des brises. Ses pensées s’interrompent lorsque de légers bruissements parviennent à ses oreilles. Le jeune homme n’a nul besoin de se retourner pour en connaître l’origine. Il attend que Mid s’installe près de lui pour annoncer tout haut : « Je crains qu’en ces instants seule la solitude ne puisse me servir d’unique compagnie ». L’autre ne réagit pas, continuant de fixer un point droit devant lui, comme si ces mots glissaient sur lui sans l’atteindre. Mais lui savait que Mid avait bien compris où il voulait en venir. Et n’a pas bougé, curieusement. Il prend entre ses mains son éternel képi, posé à sa gauche, et souffle sur la fine pellicule de poussière qui le recouvre. Soudain animé par une mystérieuse vigueur, Mid s’en approche, le renifle, et commence à le mordiller. L’officier sourit et lui caresse doucement la tête avant de prendre à nouveau la parole : « Et j’imagine que celle qui te nourrit ne doit pas être loin. » Les échos d’une voix familière retentissant non loin lui donnent raison. Le renard, quant à lui, fait mine de ne rien écouter, jouant toujours avec la casquette. Tournant la tête vers le côté est de la forêt, l’homme ne tarde pas à remarquer deux silhouettes féminines en émerger, ce qui attire aussitôt l’attention de Mid, qui délaisse le couvre-chef pour les rejoindre au petit trot. Les deux sœurs, qu’il connaissait bien, étaient probablement à la recherche du renard. Où peut-être était-ce lui qu’elles espéraient dénicher. Comme elles ne semblaient guère surprises de le voir ici avec l’animal apprivoisé, c’était sans doute le cas. Elles gagnent rapidement le haut du surplomb. La plus petite, muette, le salue d’un geste de la main, tout en esquissant un chaleureux sourire sur son adorable visage. Il essaye tant bien que mal de le lui rendre, avant de se tourner vers son aînée, qu’il observe un instant, immobile. Grande, mince, possédant de soyeuses boucles noires s’arrêtant à la naissance de ses épaules et une peau si diaphane qu’on pourrait presque y voir au travers. Le vingtenaire se dit intérieurement qu’il doit avoir bien mauvaise mine, car elle aborde aussitôt son air à la fois grave et plein de compassion en s’asseyant à son côté. « De si grands désespoirs doivent être partagés, lui dit-elle d’une voix douce. - Pas tous, hélas, ma chère Meredith. On ne partage pas ce que l’on ne peut perdre. » Tout en parlant, il remarque que le scarabée d’or suspendu au cou de son amie joue entre ses doigts fins plus qu’à l’accoutumée. Un des nombreux signes de nervosité qu’elle effectuait sans même sans rendre compte. Interrompant ses observations, la demoiselle affirme : « Le chagrin te fait dire tant de choses insensées. - Toi qui parles bien trop, commence-t-il en riant presque, voilà d’amusantes paroles. - Tais-moi ces traits d’esprit. Depuis combien de temps rouilles-tu donc ici ? - Depuis les premiers sons de la marche funèbre. Perché ainsi là-haut, on ne les entend point. - Je ne dirai pas que ce geste était stupide. Mais… » Elle s’interrompt un instant, comme pour chercher ses mots. Le sujet engagé était trop fragile pour se permettre une erreur. Son camarade avait volontairement évité de se rendre aux obsèques de ses propres grands parents, décédés seulement trois jours plus tôt. Sous les débris sinistres de leur maison. Aucun coupable muni d’âme et conscience sur lequel exercer une quelconque vengeance. Rien que les maux du temps, ennemi intouchable. Tristesse refoulée, là-haut sur la colline. Souvenirs ressassés. Blessures ravivées. La jeune femme pouvait bien facilement commettre un impair. Elle tente tout de même d’exprimer sa pensée : « Tu aurais au moins pu… - Quoi donc ?, la coupa-t-il d’un ton amer. Le lieu où je trouve ne leur importe plus. - Ta présence aurait pu rassurer les vivants. Ils ont été choqués, en apprenant que tu n’avais pas été là pour leur dernier voyage. - Je ne crois pas au ciel. - Ce n’est pas une raison. - C’est maintenant trop tard. - Tu ne regrettes rien ? - Pourquoi regretterais-je ? Il vaut mieux qu’ils me voient durant toute ma vie plutôt qu’une fois mort. - Ces deux solutions ne sont pas incompatibles. - Nous les voyions tous deux d’un différent regard. - Ils avaient conçu l’endroit où nous vivons tous. Ils n’étaient pour personne de simples villageois. - Ces paroles sont vaines. Nous pourrions bien poursuivre jusqu’à la nuitée. » Cette réplique met fin au dialogue, qui s’animait de manière dangereuse. Tous deux se taisent, laissant leurs regards noir et bleu divaguer entre le ciel ensanglanté et la terre ferme devant eux, où se reposent Mid et sa maîtresse, allongée contre son pelage flamboyant, n’ayant sans aucun doute pas perdu une miette de la conversation. L’animal serait sans doute le seul à savoir ce qu’elle en pensait. Personne d’autre que lui ne la comprenait mieux, l’usage du moindre mot tout à fait inutile pour l’un comme pour l’autre. Le lointain soleil décline et rougeoie toujours un peu plus chaque minute. Et tous les quatre, ils étaient encore là, à le contempler sans prononcer un mot. Le brun aux yeux noirs observe du coin de l’œil une imperceptible forme longiligne se dissoudre dans l’obscurité naissante. C’est la solitude qui s’en va, pensant revenir une prochaine fois. Quand il aura besoin d’elle. C’est Meredith qui perce un instant le silence de glace qui s’était installé : « Enfin, elle se décide. Le soleil est si bas, je ne l’attendais plus. » La jeune fille sent que son ami s’apprête à la questionner, mais l’apparition d’une ombre se découpant dans les dernières lueurs du soir le fait taire. Tous reconnaissent aussitôt l’allure si particulière de Karla, surnommée phonétiquement Kaw’. Quelques secondes plus tard, ils distinguent nettement son corps naturellement décharné, sa masse de cheveux blonds si comparable à une touffe de paille et sa peau brune écorchée çà et là. A peine la nouvelle venue a-t-elle rejoint le groupe qu’une voix sarcastique se charge de l’accueillir : « Le reste du village se joint-il à nous ? - Ce soldat chagriné arrive tout de même à faire un peu d’humour. Comptiez-vous rester là, à regarder mourir le ciel et les oiseaux ? - Ne parle pas de mort, il y en a eu assez. - Cesse donc un peu de t’apitoyer ainsi. Mis à part ça je vous salue toutes les deux. » Meredith agite mollement la main en guise de bonsoir. Quant à sa sœur, elle ne réagit pas, probablement parce qu’elle n’a pas entendu. Elle semble être absorbée par quelque chose qu’elle seule voyait. Immobile, les yeux bien ouverts. Seul le mouvement à peine visible de son corps se soulevant au rythme de sa respiration démontre que ce n’est pas un cadavre couché en travers d’une masse de plus en plus informe et sombre au fil des minutes. Dieu sait combien dans combien de temps elle sortira de sa transe. Cette fillette était aussi adorable que troublante, s’abandonnant parfois trop brusquement aux abysses de son esprit. La présence de Karla fait fondre le silence définitivement. Elle essayait de remonter le moral du militaire, qui, pour sa part, n’avait nul besoin de tant de compassion. Il ne s’en plaint pas, bien au contraire, les efforts des demoiselles lui réchauffaient le cœur, et pourtant, il se sent fragile en recevant tant de compassion ; sa carapace s’était fissurée sans qu’il ne tente rien pour la maintenir. Il est vrai que, faisait partie de ses plus proches amies, elles avaient pleinement conscience du choc émotionnel qu’il avait subi quelques jours auparavant, lorsqu’on lui avait annoncé la brusque mort du vieux Suricate, appelé ainsi par la population de Szaphyr Embrée, et de sa femme, Lulla. Il venait de rentrer d’une longue formation de plus de cinq mois. Et on l’avait presque immédiatement conduit devant une lourde montagne de vestiges inidentifiables. Il avait mis plusieurs secondes à saisir la situation. Le son accompagnait l’image et lui fit comprendre. Ça y était. Ça y était, et c’était arrivé trop vite. Ce qui restait de son enfance venait de s’écrouler. Un zéphyr écarlate avait tout embrasé. Sans prévenir. Il avait eu tellement hâte de retrouver le calme de son village natal. Au lieu de quoi il se retrouve en deuil. Et son recueillement prendra le temps qu’il faudra. Au goût de Kaw’, visiblement, cela avait déjà trop duré. « Avez-vous l’intention de sommeiller ici ? - Il fera bientôt trop sombre pour repartir, lui répondit Meredith. De plus je crois bien que notre cher camarade ne voudra plus bouger. - Il serait agréable de dormir céans. » La jeune fille blonde émet un grognement réprobateur mais ne bouge pas. Elle avait probablement déjà goûté au plaisir de la belle étoile, mais elle avait la trempe d’un loup solitaire. Sans pour autant éviter tout contact humain. Que ferait-elle là, sinon. En compagnie d’autres personnes que ces trois individus, elle ne se serait pas tenue immobile et calme aussi longtemps. Mais elle était comme ça. Instable. Se fiant à son instinct, son sixième sens. Ou intuition féminine, peut-être. C’est magnifique, un coucher de soleil. Mais, comme toute chose qui s’éternise, cela peut devenir lassant, dans le sens où l’on peut aisément se permettre de ne pas lui accorder une attention permanente. Ce soir-là cinq personnes sont encore éveillées pour contempler les toutes dernières lueurs du jour qui s’éteignait. Et juste avant que celui-ci ne meure, quelques mots s’ajoutent, précédant la nuit : « Nous connaîtrons des jours meilleurs. » « M’apprendras-tu un jour à être un vrai soldat ? » Ces mots formulés de manière enfantine attendaient une réponse on ne peut plus sérieuse. Le vieil homme le savait. Il reposa précautionneusement ses outils et se tourna vers son petit-fils, dont les prunelles noires brillaient dans la pénombre. « Cela ne fait pas partie de ce que j’enseigne. Donc je te donne une réponse négative. » La déception eu le temps de se peindre sur le visage de l’enfant avant qu’il n’ajoute : « Mais si ce n’est point moi ce sera quelqu’un d’autre. - Pourquoi ne veux-tu pas m’initier à la guerre? - La guerre n’est ni un jeu ni une profession. N’oublie jamais cela. » Son petit fils ne réagit pas. Il semble réfléchir. Le vieux Suricate sourit alors et lui confia : « Retiens ceci, Isku: La plume qui dessinera ton avenir N’écrira que si tu la tiendras dans ta main. Parfois sans prévenir elle ébauche l’horreur. Et même si tu vois l’aube de tristes matins Tu connaîtras des jours meilleurs. »
Merci et félicitations aux trois participants et honte sur les autres ! |
| | IskupitelSire de Picardie, Souverain des Isles de Coupe et de Pitel Messages : 496 Date d'inscription : 26/07/2014 Age : 26 Localisation : Ouest de la France | Sujet: Re: Sondage concours anniversaire Mer 19 Aoû - 14:45 | |
| J'aime beaucoup les deux premiers textes ! Surtout le deuxième, j'ai beaucoup ri avec « Le fromage est coulant » :') Par contre, je suis un peu décontenancé par le troisième, étant donné que les paroles ne sont pas en vers :/ En tous cas, j'suis heureux d'être présent dans les trois textes \o/Concernant le premier texte, j'ai beaucoup aimé le fait que, si j'ai bien lu, aucun nom commun n'est répété. Je trouve qu'il y a une grande attention portée au vocabulaire, c'est agréable. Et puis y'a moi en Dieu et de l'auvergnat, c'est cool *^* Par contre, je trouve la fin un poil bâclée. Ça se lit bien et j'ai tout de même trouvé ça bien écrit, mais les derniers paragraphes sont assez rapides, flous et pas géniaux, à mon sens. Et dans le même temps, faire une fin plus longue aurait sûrement rendu le texte trop long, sachant qu'il est déjà plutôt épais. Pour ce qui est du deuxième texte, qui est celui pour lequel j'ai voté, il est indéniable qu'il est très drôle ! Les gros bouton rouge, le fromage est coulant, le capitaine Picard... j'adore :') Par contre, les oranges elles sont divines, pas sacrées En tous cas, c'est un texte très frais, rapide à lire, plein de légèreté. J'aime beaucoup. Parlons à présent du troisième. Comme je l'ai déjà dit, j'ai été déçu par l'absence de rimes et d'un mètre stable. Ce n'est sûrement pas mal écrit, mais j'ai eu du mal à me concentrer sur le texte, l'idée que le texte est hors-sujet ne quittant pas mes pensées. Je pourrai peut-être donner un réel avis sur ce texte un peu plus tard, en tous cas pour le moment j'en suis un peu déçu. |
| | MidnightMaîtresse incontestée des vices infantiles Messages : 359 Date d'inscription : 29/07/2014 Age : 24 | Sujet: Re: Sondage concours anniversaire Mer 19 Aoû - 19:39 | |
| J'avais hésité à la première lecture du troisième texte, ayant un doute sur l'éventuel choix des vers libres. Cependant, après recherches et réflexion, je pense en effet que le critère des paroles en vers n'est pas respecté ici. Je suis embêtée de devoir disqualifier ce texte après l'avoir laissé passer une première fois et posté ici, ce qui a été une erreur de ma part. Cependant, je pense qu'il serait injuste, vis-à-vis des deux autres auteurs de ne pas tenir compte du non-respect d'une consigne. Je laisserai donc ce texte ici, autorisant les votes en sa faveur, mais je ne le déclarerai - dans tous les cas - pas vainqueur. Je présente mes excuses à l'auteur de ce texte, ainsi qu'à ceux des autres textes, et également à l'ensemble des lecteurs et votants. En espérant que ce fâcheux incident ne nuira pas au bon déroulement de ce concours, ni à la bonne ambiance du forum ~ |
| | Meredith EpiolariReine de l'Impro Messages : 1431 Date d'inscription : 29/07/2014 Age : 26 Localisation : Between the peanuts and the cage | Sujet: Re: Sondage concours anniversaire Sam 16 Jan - 13:54 | |
| C'est finalement ISKUPITEL qui remporte ce concours avec le texte numéro 1 : Fai tot petar miladiu !
Félicitations à lui et merci aux deux autres participantes, Meredith Epiolari pour la Mission Embrasée et Rêves pour Ils connaîtrons des jours meilleurs pour leurs productions de qualité. (Ouais, je sais, vive le narcissisme !) |
| | MidnightMaîtresse incontestée des vices infantiles Messages : 359 Date d'inscription : 29/07/2014 Age : 24 | Sujet: Re: Sondage concours anniversaire Sam 16 Jan - 18:36 | |
| Ahem... Oui, exactement, mais en vrai j'ai juste posté ce message depuis le compte de ma soeur parce que je me suis trompée mais je l'ai fait Isku, tu auras peut-être une récompense, je te promets rien, l'idée que j'avais à la base risque d'être compliquée à réaliser x) |
| | | Sujet: Re: Sondage concours anniversaire | |
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| | | Sondage concours anniversaire | |
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