Oh, pardon, c'est bien l'acte IV et pas V ! Je corrige
Merci encore
Je te laisse te faire un avis :3 (mais ce n'est pas le même genre que le reste de la pièce :/)
Scène 4
L'ANGE, ISAAC, ELLEN
(Isaac et Hélène sont sur scène, proches comme s'ils se parlaient. La lumière baisse au fur et à mesure qu'ils parlent, pour arriver au noir complet. L'Ange parle sans que la lumière diminue.)
L'ANGE .- Ici. Chez moi. Nulle part. C'est ce que les gens appellent Paradis – là où on va quand on est mort. Eux sont morts ; lui d'un cancer, elle de désespoir. Isaac et Ellen. Ils se retrouvent, ici. Un lieu si loin de la définition dans le dictionnaire. Un lieu où l'on peut avoir mal et mourir pour rejoindre les ombres. Un lieu où la mémoire n'existe pas. Où la folie et l'absurde triomphent des souvenirs. Isaac et Ellen. Ils étaient une seule et même personne, le cœur battant l'un pour l'autre et, à présent, ils ont oublié. Tout oublié. Ils sont étrangers. Ils ne se souviennent plus. Ni de l'un, ni de l'autre ; ils ne se souviennent plus ! À présent, ils ne voient que ce que la lumière leur révèle. Ils sont morts, espérons-les fous ; puisque les fous sont ceux qui voient le mieux, ceux qui souffrent le moins – et ceux qui se souviennent le plus.
(Il se poste dans un coin, immobile.)
ISAAC .- De la peau aux os, du regard aux orbites, nous sommes poussière, soyons poussières.
ELLEN .- Je suis désolée. Tellement désolée.
ISAAC .- Il paraît que l'on peut demander la lune.
ELLEN .- Il n'y a pas de questions, il n'y a que des réponses.
ISAAC .- Une maison sans chat n'est qu'une maison.
ELLEN .- Ils ont tous peur du noir ; moi aussi.
ISAAC .- Que la vie est laide.
ELLEN .- Il y a des humains ; ils sont égoïstes et orgueilleux.
ISAAC .- Marchons un peu, seuls, au bord de la mer et faisons-nous violer.
ELLEN .- Allègrement.
ISAAC .- Brutalité des mots, violence des hommes.
ELLEN .- L'Ange nous regarde, de là où il est, et sourit.
ISAAC .- Monde fou...
ELLEN .- Où va-t-on ? Quelle direction prendre, quand les étoiles s'éteignent une à une ?
ISAAC .- Nous ne sommes pas égaux face aux souvenirs.
ELLEN .- Le chemin s'est perdu, lui aussi.
ISAAC .- Et quel espoir ?
ELLEN .- J'ai rêvé… mais ça n'a pas d'importance.
ISAAC .- Un trou noir dans la mémoire.
ELLEN .- Tout est absurde – cependant la vie l'est plus que tout.
ISAAC .- Je dirais même : spasmodique.
ELLEN .- L'homme vole quand le ciel lui est interdit.
ISAAC .- Avez-vous la moindre idée de ce qu'il se passe ?
ELLEN .- Je veux jouer avec vous.
ISAAC .- Aucunement.
ELLEN .- Est-ce que vous avez des œufs ?
ISAAC .- Qui s'intéresse à tout, mourra.
ELLEN .- Il y a des gens qui ne veulent pas mourir.
ISAAC .- Le félin s'avance, murmure à l'oreille de Dieu et s'endort.
ELLEN .- La mort se trouvait au bout de la route, et j'ai fait demi-tour comme une idiote.
ISAAC .- Comme on sourit et comme on pleure.
ELLEN .- Il y a quelque chose de mal en ce monde, qui me fait douter du bien.
ISAAC .- Quelle cruauté !
ELLEN .- L'ombre triomphe.
ISAAC .- On m'a acheté l'oxygène que je respirais pour trois dollars.
ELLEN .- Il n'y a rien à faire d'autre que de regarder les étoiles s'envoler.
ISAAC .- Tous, nous poursuivons de fantasques chimères.
ELLEN .- Tout s'efface et bientôt il ne restera du monde qu'un tas de poussière.
ISAAC .- Oui, un tas de poussières.
(Ils se regardent. Ils semblent se découvrir pour la première fois. Ils engagent la conversation.)
ELLEN .- Le souffle de l'univers endormi le dispersera aux quatre coins de la galaxie.
ISAAC .- Un pissenlit.
ELLEN .- L'humanité est morte, mais pas l'humain.
ISAAC .- Hélas, hélas...
ELLEN .- Écrasante victoire de l'ego sur l'altruisme.
ISAAC .- Mais est-ce étonnant ?
ELLEN .- À peine incroyable.
ISAAC .- Quelle tristesse, nous allons tous mourir seuls.
ELLEN .- Oui ; mais c'était écrit.
ISAAC .- C'est normal.
ELLEN .- C'est normal.
ISAAC .- Qu'est-ce la normalité, d'ailleurs ?
ELLEN .- Le conformisme extérieur à nous-mêmes.
ISAAC .- Il faut appeler Dieu pour lui demander s'il existe.
ELLEN .- Il est tard.
ISAAC .- Trop tard ?
ELLEN .- Il est toujours trop tard !
ISAAC .- Je ne suis plus en colère.
ELLEN .- On l'est toujours.
ISAAC .- Vois comme l'éternité est longue !
ELLEN .- Il est vrai qu'une immortalité de rage semble inintéressante.
ISAAC .- Dire qu'il leur faudra vivre...
ELLEN .- Peut-être voulais-tu que je chante ?
ISAAC .- Le songe s'évapore et l'homme véritable reste nu.
ELLEN .- Tout a un sens, qu'il faut juste mettre en lumière.
ISAAC .- Quelle lumière ? Il fait si noir !
ELLEN .- L'ombre se glisse dans notre cœur et le réduit en miettes.
ISAAC .- Que le sang gicle ! Que le sang s'écoule ainsi qu'un serpent. Le corps murmure et hurle en même temps.
ELLEN .- Chuchotements sadiques et cris de douleurs.
ISAAC .- Quelle ignominie !
ELLEN .- Je vous demande pardon ! Pardon à tous !
ISAAC .- J'entends, j'écoute, j'accepte et je t'embrasse.
ELLEN .- Nous nous éloignons. Nous ne nous reverrons plus. Le passé est cruel, mais l'avenir l'est encore plus.
ISAAC .- Je veux me souvenir.
ELLEN .- La fin est proche.
ISAAC .- Quelle fierté.
ELLEN .- Je n'ai pas le choix.
ISAAC .- Une déception intense, qui a un goût d'encre noire.
ELLEN .- J'ai aimé, mais je ne me le rappelle pas.
ISAAC .- Chante ! Il faut chanter.
ELLEN .- Ce n'est pas de ma faute.
ISAAC .- Il n'y a pas de coupable.
ELLEN .- Un soupir.
ISAAC .- Mourons !
ELLEN .- Il faut chanter, non ?
(Ils restent un instant en silence.)
ISAAC, se souvenant .- Où suis-je ?
ELLEN .- Dois-je chanter ?
ISAAC .- Ellen ! Mon Ellen !
ELLEN .- La musique, la mélodie, le rythme, le tempo, l'octave.
ISAAC .- Que se passe-t-il ? Où suis-je ? Ellen ? Me reconnais-tu ?
ELLEN .- La tierce et la quinte. L'accord.
ISAAC, réalisant .- Prisonnier d'une pièce de théâtre.
L'ANGE, se levant .- Tu as un texte ! Dis-le !
ISAAC .- Prisonnier de la souffrance.
ELLEN .- Do. Ré. Mi. Fa. Sol. La. Si. Do.
ISAAC .- Laissez-moi sortir. Laissez-moi vivre, et enfin mourir.
ELLEN .- Le violoncelle. Le piano. L'alto.
ISAAC .- Assez de jouer la réalité ! Assez de réciter mot pour mot ce que l'on dit dans la vie.
L'ANGE .- Acteur, prends garde.
ELLEN .- Solfège.
ISAAC .- Je suis sorti de mon texte. Je vais mourir, à la fin, pour être puni. Est-ce un réel châtiment ?
ELLEN .- La partition.
ISAAC .- C'était une pièce qui devait se terminer mal.
ELLEN .- Sonate.
ISAAC .- Isaac mourra. L'acteur s'en ira, abandonnant sur scène la dépouille de son personnage.
ELLEN .- La pulsation.
ISAAC .- Je veux partir d'ici. Souviens-toi, Ellen !
ELLEN .- Un compositeur. Un chef d'orchestre.
ISAAC .- Ce soir, vous n'avez pas eu mal et j'ai souffert. À votre tour ! Venez sur scène, venez réciter votre vie, souffrez à ma place ! Et laissez-moi partir... Partir pour mourir.
ELLEN .- L'archet. Le médiator. L'accordeur.
ISAAC, se prenant la tête dans les mains .- Fou... Fou... Fou...
ELLEN .- Il faut chanter, n'est-ce pas ?
ISAAC, relevant la tête .- Bien sûr qu'il faut chanter. Il faut toujours chanter. Chante, mon Ellen. Chante et souviens-toi, je t'en prie.
ELLEN .- D'accord.
(Elle inspire. Au fur et à mesure qu'elle chante, la lumière revient.)
ELLEN .- Souvenirs indésirables
Pénibles passés
Ils veulent qu'on oublie
Pour pouvoir prospérer en paix
Ils nous ont dit que ce qui comptait
Était le futur
Seulement le futur
L'utopie qui germe dans nos cerveaux malades
Cancer de l'orgueil et de l'avidité
Et s'ils avaient tort ?
Si en se tournant vers le passé
On trouvait la lumière ?
Si en se rappelant on craquait l'allumette
Qui mettrait le feu à notre vie ?
Quelle métaphore stupide
Et pourtant, et pourtant
Je veux cette allumette
Quand bien même elle me brûlerait
(Ellen se tait. Le noir est total.)
ISAAC, osant à peine troubler le silence et l'obscurité .- Est-ce la fin ?
ELLEN .- Bien sûr que c'est la fin.
(Elle sort un pistolet accroché à sa ceinture et tire sur Isaac. Un flash lumineux pour le montrer qui s'écroule, et noir final.)
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