| | Rêves Messages : 134 Date d'inscription : 02/05/2015 Localisation : Dans la Doloréane de mes avenirs | Sujet: Le sang des nuages [P] Mar 26 Mai - 18:20 | |
| Hey everybody ^^ Voici une nouvelle que j'ai écrite lorsque j'étais en 4°, ça sera mon premier post officiel sur ZE Je considère ce texte comme mon premier écrit, étant donné que c'est le premier que j'ai fini en fait... Je suis vraiment désolée de vous le présenter sous forme de scan (et page par page... ), je ne pouvais pas faire autrement (à part le réécrire... au quel cas ). J'espère que ça ne posera aucun problème. Sur ce, bonne lecture (ou bon déchiffrage, ça dépendra de la qualité des scans...)! - Page 1:
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| chacun de leur instant => leurs instants je serai bien consciente => je serais bien consciente je dû => dus personne n'en serai => serait regard animés => animé persuadé => persuadée forces de l'ordres => ordre ordres d'évacuations => évacuation (c'est discutable mais je trouve ça plus joli) un sentiment […] me fis => fit en sanglot => sanglots la vérité en lui-même la vérité => en lui-même la vérité Jeanne que je n'avais pas cherché => cherchée Je me leva => levai commença => commençai quelque chose les gênaient => gênait je m'étais glissé => glissée je reconnu => reconnus la voix […] interrompu => interrompue verts foncés => vert foncé (accord adjectif de couleur composé) femmes infirmière => infirmières m'avait écouté => écoutée un murmure parcouru => parcourut avaient fait passé => passer discret => discrets nous serons libre => libres je regardais et vis => regardai trentaine de mètre => mètres je couru => courus je le revit => revis |
- CADEAU !!!:
Le sang des nuages
Cela faisait plusieurs années que personne n'avait vu la couleur du ciel. Situation jusque-là logique, puisque actuellement, en 1942, il était devenu l'une des innombrables choses qu'aucun Français ne puisse avoir le temps de contempler. De toute façon, il semblait avoir définitivement disparu sous le mélange impénétrable des fumées polluantes des usines et de l'espoir perdu d'un peuple au cœur mutilé, qui s'évaporait toujours un peu plus pour masquer l'ancienne étendue céleste. Chacun de leurs instants pouvait être le dernier. Chaque seconde renfermait une peur grandissante, chaque minute nourrissait une douleur infinie, à chaque heure s'envolait une vie aussitôt oubliée, et chaque jour détenait la mort, infatigable, invincible, invaincue. Après quatre années passées en ces murs invisibles sans voir arriver le vent de la révolte, quatre ans passés sans retrouver aucune raison de vivre, on avait toutes les raisons de ne plus pouvoir se relever. J'avais encore cette volonté. Une volonté que seules l'indignation profonde d'une injustice encore irrésolue et la détermination pouvaient soutenir. « Myriam ! » Le cri brusque de Jeanne me fit sursauter. « Que veux-tu ? - On a aussi besoin de toi, à l'accueil de l'infirmerie. Il y a du monde, ce soir. Ce n'est pas le moment de rêver. - Nous n'avons pas ce droit, soupirai-je. On nous l'a retiré. - Pas encore » Elle marqua une pause et regarda un instant par la fenêtre, une lueur nostalgique dans ses yeux bleu foncé. « Viens. » Je m'appelle Myriam. J'ai dix-neuf pour l'éternité et j'étais une de ces personnes dont le destin n'était pas entièrement écrit à travers un champ de bataille et de sang. Je suivis mon amie, la mine sombre. Le bâtiment que nous traversâmes était bien entretenu, soigné et chauffé. Quand on avait la connaissance de la dure vie que menaient les civils n'ayant pas le quart de notre chance, vivre dans ce quasi-luxe donnait envie de vomir. En tout cas, telle était mon impression... qui n'était malheureusement pas celle de tout le monde. Le soleil couchant du mois de novembre baignait l'infirmerie de sa lumière rouge sang, à travers les rideaux. Jeanne n'avait rien exagéré : un nombre incalculable de soldats, grièvement blessés pour la plupart, remplissaient le local et une odeur de sang imprégnait l'air. Les aides soignantes allaient et venaient d'un homme à l'autre, sous les gémissements et les cris de douleurs qui composaient le bruit de fond. Une jeune stagiaire aux yeux verts tenant un porte-document à la main vint vers nous, sa tresse rousse voletant derrière elle au rythme de son pas vif. « Vous avez le 22 et le 68, zone C et E », nous annonça-t-elle d'une voix froide avant de tourner les talons. « Merci pour cette information communiquée avec tant de respect », minauda Jeanne. « Trop de gens sont comme elle. Incapable de voir plus loin que la triste réalité. - Elle fait ça pour survivre. - Comme tout le monde, tu sais. - Bien-sûr, mais nous devons tous nous fondre dans la masse. Si les rebelles commencent à sortir du lot, ça ne va pas plaire aux... membres du gouvernement. Ils veulent éliminer la moindre tache blanche sur leurs sombres machinations. Les gens sont devenus des pions utilisés pour brûler la coquille d'un ancien pays soudé et uni. » Tout en parlant, nous avions déjà fait la moitié du chemin au milieu d'un brouhaha de cris de douleur. Jeanne soupira : « Et que crois-tu m'apprendre ? Même sans toi et tes pensées humanitaires, je serais bien consciente de la situation. » Un demi-sourire se dessina sur mon visage. Le premier depuis quelques jours, sûrement. Mon amie me laissa en zone E, tandis que je dus me rendre à l'autre bout de la pièce pour rejoindre la C. Jeanne était une personne très optimiste, qui savait très bien dans quel monde elle se trouvait, du moins suffisamment pour ne pas laisser sa belle personnalité sombre dans les abysses de la peur et de la soumission. Numéro 22. Un homme était étendu sur un lit au drap souillé par des vielles tâches du sang de ses anciens utilisateurs. Je jetai un coup d’œil à la pancarte appuyée à côté du mobilier. Seul son prénom était lisible : Edmond. Il avait la peau pâle comme celle d'un spectre et du sang s'écoulait d'une vilaine blessure non soignée à l'épaule. Son teint d'albâtre contrastait avec la couleur écarlate du liquide qui dégoulinait sur son torse nu. Seuls sa respiration irrégulière et les traits crispés de son visage signalaient qu'il était vivant. Je pris un rouleau de bandage posé sur une petite table et entrepris de panser la plaie profonde. Même après quatre ans d'une vie faite de blessures et de sang, chaque soir, j'éprouvais une douleur interne pareille à celle du jour dernier. Et chaque soir, je me répétais que si les bonnes paroles guérissaient tous les maux, personne n'en serait là. Le jeune homme avait enfin ouvert les yeux mais ils fixaient le vide. Ils étaient beaux, clairs, comme deux petits lacs transparents. Soudain, il se redressa très brusquement. Le regard animé d'une nouvelle lueur. Je reculai, surprise et effrayée, d'autant plus que son regard fou se braqua sur moi. « Vous êtes morte. » Sa respiration était devenue régulière et bruyante. Sur le moment, j'étais persuadée de me retrouver en face d'un délirant. « Non, et vous non plus. Vous êtes sauf, maintenant, et vous n'aurez plus à combattre pendant un bout de... - Vous ne comprenez pas !!! hurla-t-il. Vous allez tous mourir ! TOUS ! » Son cri avait alerté toutes les personnes présentes dans la salle et les soldats alités s'agitèrent. « Calmez-vous ! Edmond, pour l'amour du ciel, restez tran... - Me calmer ? Alors qu'il nous reste à peine quelques minutes à vivre ? Fuyez ! Fuyez, vous et tous ceux qui méritent de vivre ! - Taisez-vous, s'il... » Un éclair argenté traversa l'air pour revenir se planter dans le bras d'Edmond. Ce dernier poussa un cri de douleur avant de retomber lourdement sur le matelas. « Qu'est-ce que... - Produit soporifique. Vous connaissez, n'est-ce pas, Pelereau ? claqua une voix sèche à côté de moi. - Madame Saley ? dis-je en voyant la sévère supérieure londonienne de l'infirmerie. Pourquoi l'avoir endormi ? - Vous sembliez être en grande difficulté. Je n'ai fait que... vous aider. - Je me débrouillais très bien sans... - Vraiment ? m'interrompit-elle. Ce n'est pas d'un battement de paupière qu'une petite brunette inexpérimentée comme vous viendra à bout d'un pauvre fou en plein délire. - S'il vous plaît..." fit le « pauvre fou » d'une voix de plus en plus faible. "Souvenez-vous au moins de ceci... » Il ne semblait pas tenir compte de la présence de Madame Saley. Il me fixait de ses magnifiques yeux clairs qu'il s'efforçait de maintenir ouverts. « Ne vous réfugiez jamais dans la peur. Elle sera votre plus grande ennemie. Et gardez espoir. L'espoir est la seule arme capable de contrer la peur. Il faut... toujours que vous sachiez où vous êtes et où vous allez. Sou... souvenez-vous. La peur et l'ignorance nuisent. » Sa tête se relâcha mollement sur le côté et sa respiration se fit plus régulière. Cette seconde de calme ne dura hélas pas longtemps. Un effroyable bruit d'explosion atomique résonna dans toute la ville. Une impénétrable brume de chaos enferma le local en quelques secondes. Les cris et les bruits de course me vrillaient les oreilles. Les forces de l'ordre allemandes s'occupant de la sécurité aboyaient des ordres d'évacuation. Je pus saisir les bribes d'information nécessaires pour comprendre qu'une centrale d'obus neurotoxique avait explosé, emportant avec elle des centaines de vies innocentes voulant tout simplement continuer à survivre. Mes pensées se perdirent dans le brouillard de confusion qui embuait mon esprit. Je devins instantanément sourde à tous les appels de ma conscience. Seules mes jambes pouvaient encore fonctionner pour me porter jusqu'à la sortie. Une fois dehors, je quittai la foule terrifiée pour m'effondrer contre le mur du bâtiment, la respiration sifflante et le corps endolori. Je repris lentement mes esprits, et très vite, un sentiment douloureux de culpabilité s'empara de moi, et me fit éclater en sanglots. Comment pouvais-je prétendre être différente et connaître le monde dans lequel je vivais si je n'étais même pas capable de garder mon sang froid dans n'importe quelle situation ? Personne ne s'était occupé des invalides restés à l'infirmerie. J'avais abandonné Edmond, qui portait en lui-même la vérité que personne n'avait su lui reconnaître et ne lui reconnaîtrait jamais. Et Jeanne, que je n'avais même pas cherchée des yeux dans la foule hurlante de terreur, avait-elle conservé son bon sens malgré le danger ? Serait-elle, comme moi, adossée contre ce mur en se demandant si cela servait à quelque chose de survivre, ou essaierait-elle de se rendre utile ? En tournant la tête à gauche, je vis un énorme nuage toxique et mortel qui se rapprochait inexorablement de moi et de toutes les personnes évacuées du grand local. Les paroles du jeune Edmond me revinrent en mémoire comme une vague d'espoir désespérée. « Ne vous réfugiez jamais dans la peur. Elle sera votre plus grande ennemie. » Je me levai et commençai à courir dans la direction qu'avais prise Jeanne et tous les autres qui avaient eu le courage de survivre. Le sang battait à mes tempes au rythme de ma course effrénée. « Il faut toujours que vous sachiez où vous êtes et où vous allez. » Je savais où j'étais. J'étais dans un pays dont la moitié était empoisonnée et que nul ne pouvait sauver. Du moins pas maintenant. Et je savais où j'allais. J'allais dans un territoire libre. Un lieu immunisé contre le poison qui pourrissait la France de l'intérieur. Il n'y avait pas d'obstacles. Il ne devait pas y avoir d'obstacles. Non loin devant moi, j'aperçus soudain une masse de gens rassemblés à côté d'un grand bâtiment. Mon cœur fit un bond dans ma poitrine. Non, pas une contrainte, pas déjà... En me frayant un passage parmi la foule, je découvris qu'en fait, les autorités faisaient passer par petits groupes, car quelque chose les gênait. D'énormes camions verts et noirs étaient prêts, derrière des barrières de sécurité. Des cris de protestation et des gémissements fusaient de tous sens. Saisissant au passage des bribes de conversation, je constatai avec horreur que la moitié du groupe de policiers allemands s'étaient rendus dans le bâtiment pour faire sortir de force des habitants qui ne voulaient pas évacuer. Ils voulaient mourir. Eux, ils avaient renoncé. Renoncé à se battre pour déchirer l'enveloppe de ténèbres qui les avait recouverts. Ils n'avaient plus d'espoir. « Gardez espoir. L'espoir est la seule arme capable de contrer la peur. » Là, j'ai su que je pouvais en donner, de l'espoir. En me faufilant entre les gens vers l'entrée de la construction, qui tombait en ruine, d'ailleurs, je constatai que l'équipe chargée de faire sortir les suicidaires avait renoncé. Soudain, une détonation d'arme à feu résonna vers le lieu d'évacuation. Une femme avait tenté de déjouer la vigilance des gardes pour passer la frontière de la zone occupée. Les hommes en uniforme se mobilisèrent vers cet endroit. Profitant de cette minute d'inattention, j'entrai par une brèche juste assez grande pour ma taille à côté de l'entrée. L'intérieur était sombre, poussiéreux et les murs étaient couverts de toiles d'araignée. Elle était vide, mis à part l'encadrement de la porte d'une pièce voisine, dont je me rapprochai prudemment. La porte en lambeaux était légèrement entrouverte et des éclats de voix s'en échappaient. « … pourrions au moins essayer. Si nous sommes ici, c'est que nous n'avons plus rien à perdre, tu l'as dit toi-même !" criait une voix féminine et aiguë. "Rien ne sera tenté sans ma permission", répondit un homme d'une voix placide et calme. "Tu n'as aucun ordre à nous donner", intervint soudain un nouveau timbre grave. "Chacun est libre de ses actes, à présent, les quelques heures où nous avions dépendu de toi sont terminées. Donc s'il y en a parmi vous qui veulent tenter leur chance dehors, qu'ils sortent maintenant. Le nuage se rapproche, vous n'avez plus beaucoup de temps." "Que l'on reste ici ou que l'on sorte, cela revient au même !" reprit la première voix. "Ceux qui resteront ici mourront asphyxiés, et ceux qui tenteraient d'atteindre la frontière de la zone libre... - Tenteront quelque chose dans les dernières minutes de leur vie. » Une quinzaine de visages se tournèrent vers la porte en entendant cette phrase. Pendant qu'ils débattaient sur la façon dont chacun devait mourir, je m'étais glissée sans bruit derrière la porte et avais interrompu leur conversation, adossée sous l'unique fenêtre de cette deuxième pièce. Un homme se leva. Je parvenais tout juste à distinguer sa silhouette massive et imposante qui se découpait dans la faible lumière qui filtrait à travers la vitre. « Si tu es venue pour nous faire changer d'avis comme ces imbéciles de nazis, tu perds ton temps. Nous ne bougerons pas. - Pourquoi ? » Cette fois-ci, j'étais bien décidée à réussir ce que j'entreprenais et à garder mon sang froid. « Pourquoi ?" fit l'homme. "Elle me demande pourquoi ? Ah ! » Il se mit à rire nerveusement sans pouvoir s'arrêter. « Qu'est-ce qu'il y a de drôle ?" demandai-je vexée. - Arrête, Alban, ordonna une jeune femme en posant la main sur son épaule. Je reconnus la voix fluette que j'avais interrompue tout à l'heure. - Elle demande pourquoi ! répéta l'homme qui commençait à se calmer. Si tu demandes pourquoi, petite, cela veut dire que tu n'es pas prête pour subsister dans l'enfer où on nous force à vivre. » Ce fut à mon tour de rire quelques secondes. « Je vous demande pardon", lui dis-je en le fixant de mes yeux vert foncé. "Si je suis ici c'est effectivement pour... vous ramener à la raison. » J'aurais juré le voir rire une nouvelle fois, mais il s'avança vers moi et plissa les yeux. « Me ramener à la raison... - Vous ramener à la raison, rectifiai-je en désignant le petit groupe derrière lui. - Il faudra te montrer très persuasive, je te préviens... - J'avais compris. - Et en très peu de temps », ajouta-t-il en montrant la fenêtre du menton. Il avait raison. La fumée dense et monstrueuse engloutissait les habitations les unes après les autres, et ne tarderait pas à arriver à notre niveau. « C'est à l'intérieur de ça que vous voulez périr ? A votre place, je n'en mènerais pas large. - Je me moque de savoir de quelle façon tu veux mener ta vie. En ce qui me concerne, moi et toutes les autres personnes présentes dans cette pièce, nous estimons que la vie que nous menons ne vaut plus la peine que l'on se batte pour elle. - Voilà un point sur lequel nous tombons d'accord. - Alors comme ça, tu nous demandes de suivre ces moutons dépourvus de conscience pour ensuite nous dire que tu es du même avis que moi, qui préfère la mort à la survie ? Tu n'as plus toute ta tête, petite. - Je vous en prie, c'est un malentendu. En premier lieu, cessez de m'appeler « petite ». Ensuite, je n'ai jamais insinué qu'il serait préférable pour vous de suivre ces « moutons », pas plus que je n'ai laissé entendre que je voulais dépérir ainsi » En jetant un bref coup d’œil par la fenêtre, je constatai qu'il fallait accélérer la cadence. « Mais nous avons tout notre temps, reprit le dénommé Alban. Explique-moi en détail petit... - Non ! Nous n'avons plus le temps ! Il faut... Il fait que vous réussissiez à franchir la frontière. Le monde nous observe. Il nous observe et verra qu'en France il y a autre chose que des hommes souillant la terre de leur propre sang, il verra autre chose que des femmes infirmières aux mains imbibées de sang qui n'est pas le leur, il verra autre chose que des gens paniqués à la personnalité effacée par une tempête de pouvoir et de haine, trop puissante pour certaines âmes, mais pouvant être contrée par l'espoir. L'espoir... est la seule arme capable de contrer la peur. Et vous l'avez dit vous-même : qu'avez vous donc à perdre ? Vous avez une chance de ne pas vous laisser mourir dans ce monde que vous détestez et que nous détestons tous. Saisissez-la ! » J'aurais pu m'évanouir après ça, mais je tins bon, retenant mon souffle. Alban m'avait écoutée sans m'interrompre et un murmure parcourut la salle. « Tu as une grande force de persuasion, une bonne diction et un grand cœur, me dit la jeune femme qui n'avait pas bougé depuis quelques minutes. Et je crois que tu as raison. - Irma, tu es sûre que... - Alban, je ne pense pas qu'on ait le temps », intervint un autre homme dans l'assistance. En effet, le danger ne se trouvait plus qu'à une centaine de mètre du bâtiment. De l'autre côté, les autorités avaient fait passer presque tout le monde. « Vous êtes avec moi ? » J'étais fébrile, j'essayais de mettre tout l'espoir du monde dans mes yeux qui étaient illuminés d'une flamme nouvelle. « La détermination enflamme ton regard. Tu es tenace, petite. » Puis il se tourna vers les autres qui s'étaient jusque là contentés d'écouter : « Je sais que c'est risqué mais elle a raison. S'il existe une chance, même infime, d'avoir une vie semblable à celle qui nous manque tant, alors il faut la saisir. » Un cri de victoire et d'approbation fit presque trembler les murs. J'avais réussi. « Nous avons réussi », pensai-je en revoyant les yeux clairs du beau soldat. « Merci Edmond » « Il faut y aller, maintenant » rappela Irma. Quand nous sortîmes des ruines, le dernier camion transportant les derniers passagers était en train de partir. Alban nous intima l'ordre de nous cacher derrière le camion des policiers. Étant donné que nous étions dix-sept en tout, il fallait redoubler de prudence et rester discrets. « Nous sommes au bord de la frontière, encore en zone occupée. Une fois que nous serons de l'aure côté de ce barrage de métal, nous serons libres et en sécurité." rappela Alban. "Encore faut-il que nous traversions sans attirer leur attention, fit remarquer un homme un peu plus âgé en désignant les nazis. - Et le nuage ? s'inquiéta Irma. Il pourrait passer la frontière lui aussi ! - Nous courons plus vite que lui, et le passage frontalier débouche sur la lande, la rassurai-je. De plus, le vent le poussera dans la direction qu'ont prise les camions. - S'il vous plaît, dépêchez-vous, supplia une femme. Il se rapproche. » La peur commença à me gagner. Ils comptaient tous sur moi, à présent. Mais je sentais qu'eux aussi ils avaient peur. « Nous allons passer un par un. Il faut rester discrets. » Soudain, un bruit d'avalanche se fit entendre. En me retournant, je m'aperçus avec horreur que les hommes en uniforme avaient détruit les bases fragiles du refuge dans lequel nous nous tenions quelques minutes plus tôt. « Ils sont tous morts ou partis dans les camions ! cria un garde. On peut retirer la surveillance à la frontière, la zone sera condamnée le temps que les substances se dissipent. » J'avais de plus en plus de mal à respirer, et je sentais que, derrière moi, on ressentait la même chose. Mais le plan allait se révéler beaucoup plus simple que prévu... « Ils vont... enlever la surveillance !" dis-je en peinant pour garder une respiration calme. "Changement de plan, on va y aller tous en même temps. - Nous n'avons pas le temps ! Nous sommes tous en train de suffoquer ! Le nuage est à quelques mètres ! » Rassemblant mes forces, je regardai derrière le camion, et vis que les nazis avaient transmis le message aux gardes frontaliers. Ils se mirent à courir vers le camion, mais ne pouvaient pas nous voir. « Passez devant moi, en groupe. Vous savez où vous allez, mais vous avez peur. N'ayez pas peur. La peur et l'ignorance nuisent. » Sur ces mots, Alban se leva et me lança un ultime regard plein de reconnaissance avant de s'élancer vers la barrière de fer, qui était à une trentaine de mètres du camion, le reste du groupe à sa suite. Je surveillais leurs arrières, mais les nazis leur tournaient le dos. Je fermai les yeux, serrai les dents, adressai une prière silencieuse à Edmond, et courus les quelques mètres qui me séparaient de la liberté. Mes poumons étaient aussi brûlants que mon cœur et le temps tournait au ralenti. En entrouvrant les yeux, j'aperçus le dernier membre du groupe qui sautait la barrière de la libération promise. Quelques secondes. Encore quelques secondes et personne ne pourrait plus rien contre nous. Derrière moi, des éclats de voix percèrent mes tympans. Mes jambes refusaient d'aller plus vite. Les pensées les plus dures frappaient la paroi de mon âme, comme pour la briser, pour la détruire. Cinq mètres. Seulement cinq mètres. Je devais tenir. Pourquoi avais-je si mal, tout d'un coup ? Ma vue se brouillait alors que je ne fermais pas les yeux. Mes jambes se bloquaient alors que je devais m'enfuir. Pour vivre. Pour transmettre l'espoir. Pour la première fois depuis de longues années, je pus enfin reconnaître la vraie couleur du ciel parsemé de nuages immaculés. Mon sang s'écoulait de mon dos et salissait l'herbe verte de la lande, comme un serpent de feu se noyant dans l'infini. Le ciel bleu reflétait la lueur des âmes qui croyaient l'espoir inépuisable. Je n'entendais plus rien, mais je savais où j'étais. Je n'avais pas peur. Le ciel s'assombrit et je le revis presque comme avant, gris. Sauf que ce gris là n'appelait pas la guerre, n'appelait pas le sang. Les nuages étaient blancs, d'un blanc pur et profond. Mais des tâches écarlates les parsemaient, ça et là. Ce sang n'était pas le mien. C'était le sang des nuages.
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| | Dystopies ElliptiquesBaleine Impériale Messages : 276 Date d'inscription : 06/08/2014 Localisation : sur son piano
| Sujet: Re: Le sang des nuages [P] Mar 26 Mai - 18:26 | |
| Putain... c'est sacrément bien pour quelque chose d'écrit en 4° ! Bon, y a quelques passés simples qui m'ont fait grincer les dents mais globalement, l'histoire est aussi prenante que fluide. Vraiment, j'ai bien aimé ! |
| | IskupitelSire de Picardie, Souverain des Isles de Coupe et de Pitel Messages : 496 Date d'inscription : 26/07/2014 Age : 26 Localisation : Ouest de la France | Sujet: Re: Le sang des nuages [P] Mar 26 Mai - 23:17 | |
| 1) Dys, j'ai envie de te tuer x) J'ai cru que tu avais posté un texte, et en fait c'était un vulgaire commentaire. Je suis très triste. 2) En effet, c'est pas mal, même si on voit quelques problèmes narratifs récurrents dans les textes écrits dans notre jeunesse à tous ^^ 3) Souhaites-tu que je déplace vers la sous-section "Ah, quand vous étiez jeunes ~" ? C'est pour regrouper les textes dits "d'enfance" 4) Ça me rappelle que le tout premier texte que j'avais posté sur le forum précédent, je l'avais également écrit en 4ème Vivement tes prochains textes, Rêves-qui-vient-tellement-rarement-sur-la-CB-que-je-n-ai-pas-pu-lui-trouver-de-surnom ~ |
| | Rêves Messages : 134 Date d'inscription : 02/05/2015 Localisation : Dans la Doloréane de mes avenirs | Sujet: Re: Le sang des nuages [P] Mer 27 Mai - 12:00 | |
| Merci Dystopies Oui tu veux, Isku, tu peux déplacer le sujet ^^ Ah bon, il y a une CB ? |
| | Messages : 340 Date d'inscription : 18/08/2014 Age : 25 Localisation : La tête sous l'oreiller
| Sujet: Re: Le sang des nuages [P] Mer 27 Mai - 12:06 | |
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| | Daivou Messages : 329 Date d'inscription : 20/01/2015 Age : 25 Localisation : Dans une petite boite avec pour destinataire "Zéphyr Embrasé" | Sujet: Re: Le sang des nuages [P] Mer 27 Mai - 18:53 | |
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| | Messages : 340 Date d'inscription : 18/08/2014 Age : 25 Localisation : La tête sous l'oreiller
| Sujet: Re: Le sang des nuages [P] Mer 27 Mai - 18:55 | |
| Mais nan mais... *va chercher un bazooka pour détruire Daivou* (Bien que, effectivement, ça soit bien :') Mais je veux te vwar sur la cb ) |
| | Meredith EpiolariReine de l'Impro Messages : 1431 Date d'inscription : 29/07/2014 Age : 26 Localisation : Between the peanuts and the cage | Sujet: Re: Le sang des nuages [P] Sam 30 Mai - 12:28 | |
| Moi aussi je me suis fait prendre Isku, je pensais que Dys avait écrit un texte Mais je lui pardonne parce que nous avons enfin pu lire un texte de Rêves ! (qui en plus est devenue Dragon, ce qui fait d'elle la personne la plus fabuleuse de ce forum) C'est pour cette raison, très chère Rêves, que tu trouveras à la fin de ton post un énorme cadeau qui va avoir pour effet de me rendre à tes yeux la fille la plus généreuse que la Terre ait jamais portée ! N'hésite pas à effacer le cadre de correction et les autres trucs moches, ni à modifier la mise en page ! Je ne suis pas fan de ce contexte de l'occupation, ni de nouvelles historiques en général. C'est un genre que j'adorais quand j'étais plus jeune mais maintenant ça me semble un peu scolaire. En plus à cette époque les personnages sont tous des héros au grand cœur qui m'agacent un peu ^^ Cependant, je peux objectivement avouer que je n'écrivais certainement pas aussi bien en 4ème et que je suis assez admirative par quelques mots de vocabulaire comme "neurotoxique" par exemple. Il m'a semblé au début que tes phrases étaient un peu longues, comme celle-ci : - Rêves a écrit:
- De toute façon, il semblait avoir définitivement disparu sous le mélange impénétrable des fumées polluantes des usines et de l'espoir perdu d'un peuple au cœur mutilé, qui s'évaporait toujours un peu plus pour masquer l'ancienne étendue céleste.
Mais en fait, à mesure que le récit avance ce problème disparaît, ou alors c'est que je n'étais pas d'humeur à lire des phrases longues en commençant à te lire Tes dialogues ne font pas très naturels, mais ils sonnent vraiment bien dans un mode un peu "pièce de théâtre". En gros, je pense que tu es douée pour trouver instinctivement des sonorités et des tournures de grandes envolées lyriques, ce qui est intéressant (mais pas forcément pour ce genre de nouvelle historique, à débattre ^^). J'ai aussi été surprise à un moment par l'utilisation du verbe "subsister" dans : - Rêves a écrit:
- tu n'es pas prête pour subsister
Je ne sais pas pourquoi il m'a fait tiquer alors qu'il est bien employé Il est arrivé un point dans ma lecture où je me suis sentie persuadée que Myriam allait mourir, parce qu'elle avait trop de bonnes intention pour se permettre de connaître une fin heureuse. Pour qu'elle soit vraiment une vraie héroïne, elle devait faire le sacrifice de sa vie pour tous les suicidaires. Du coup, j'ai vécu sa mort comme une mort tragique et inéluctable, ça m'a bien plu. Quand on y réfléchit, il y avait plein d'indices dans le texte : "dix-neuf ans pour l'éternité", "ultime regard", "quelques mètres", "quelques secondes", etc. J'ai aussi beaucoup réfléchi sur ce concept d'avoir le "courage de survivre". Généralement, dans les récits de guerre, les personnages sont plutôt du genre à être courageux lorsqu'ils se sacrifient et non parce qu'ils sont toujours vivants. Une piste très intéressante. Par contre, c'était un peu contradictoire avec la mort effective de l'héroïne qui elle-même est un peu le contraire de cette phrase : - Rêves a écrit:
- Je m'appelle Myriam. J'ai dix-neuf pour l'éternité et j'étais une de ces personnes dont le destin n'était pas entièrement écrit à travers un champ de bataille et de sang.
J'ai aussi beaucoup apprécié cette fin énigmatique "le sang des nuages"... C'est très joli même si je ne suis pas sûre d'avoir bien compris, mais ce n'est pas grave, cette incertitude fait le charme du texte ~ J'espère pouvoir lire prochainement d'autres de tes écrits, qu'ils soient anciens ou récents et je te remercie pour ce moment |
| | Rêves Messages : 134 Date d'inscription : 02/05/2015 Localisation : Dans la Doloréane de mes avenirs | Sujet: Re: Le sang des nuages [P] Sam 30 Mai - 13:28 | |
| J'ai l'honneur de t'annoncer que tu as amplement mérité le titre de la fille la plus généreuse que la Terre est jamais portée, aujourd'hui! En plus d'avoir corrigé toutes ces ÉNORMES fautes d'orthographe (honte à moi qui suis Dragon et n'ai même pas corrigé mon propre texte...), réécrire le texte en entier sans fautes était vraiment génial (et courageux) de ta part, donc merci ! |
| | | Sujet: Re: Le sang des nuages [P] | |
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