Hommage à ma tendre et très chère Dada
Ce texte a été écrit lors d'un duel m'opposant Dedarimi, lors duquel la consigne était de faire l'hommage d'un autre membre. Le duel a été lancé le 5 mai 2014.
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J'étais dans la rue, flânant entre deux pamplemousses, lorsque j'ai découvert l'admiration que je lui portais. Elle – car évidemment c'est une demoiselle, jeune et belle – arrivait justement d'une ruelle perpendiculaire, au loin, et entreprit de courir vers moi comme poussée par un puissant vent de poupe. Marchant vers l'Est selon les principes de Thorwald le fier guerrier germain de la guerre de cent ans, je faisais face à la course effrénée de la demoiselle en détresse et au soleil qui, levé depuis quelques heures seulement, éblouissait la myriade de gouttes de pluie ayant perlé sur le sol durant la nuit, agrémentant le côté dramatique de la scène. Ses cheveux bouclés lâches et tombant sur ses épaules étaient emportés par le vent de sa course. Le sourire aux lèvres, elle courait vers moi, et je n'eus d'autre réflexe que celui de m'arrêter, là, au milieu de la route, entre deux pamplemousses. J'en caressai un et reposai le regard sur cette créature divine qui se hâtait pour, sans doute aucun, se jeter contre moi, me prenant dans ses bras.
Puis le sol ne fut plus le sol mais un mur de béton contre lequel son doux visage venait de s'écraser. Je courus vers elle, paniqué, voyant qu'elle ne se relevait pas. Je criai son prénom, espérant qu'elle se relèverait et sourirait en soufflant « désolée si je t'ai fait peur » tout en riant doucement, gênée. Mais elle ne se relevait pas. Elle ne bougeait plus. Je chassai les peurs qui tout de suite envahirent mon esprit, et je me jetai à ses côtés, l'attrapant par les épaules et la secouant.
« Marie ! »
Son absence de réponse me fit frissonner, mais je tins bon et la relevai, posant sa tête contre moi, la berçant doucement. Le visage en sang, elle tentait de sourire doucement mais ne parvenait à afficher qu'un rictus désagréable.
« Je suis désolée... »
« Pourquoi ? »
« Je suis tombée... »
« Tiens le coup, je vais appeler du secours. »
« C'est... inutile... Reste près de moi, j'en ai besoin. »
Les yeux emplis de larmes, j’acquiesçai lentement et la regardai dans les yeux.
« Je savais bien que courir était trop dangereux... »
Elle tentait de faire une blague, mais la tristesse plaquée sur son visage et le mien empêchèrent tout rire, et bien vite ses yeux se fermèrent.
« Adieu... »
« Marie, reste ! Marie ! »
Elle cessa définitivement de bouger, et je me relevai, la tête dans les mains, pleurant toutes les larmes de mon corps.
« Si seulement je n'étais pas à flâner avec ces deux idiots... Marie serait encore là, devant moi, et nous pourrions chanter ! »
Les deux pamplemousses arrivaient justement, et ils m'entourèrent, m'enjoignant à tenir bon.
« Était-elle si importante que cela pour toi ? »
« Importante ? Vous me demandez si l'amour de ma vie m'était importante ? Eh ! Vous osez me demander cela ? »
Mes cris étaient de désespoir, et ajoutés à la tristesse de mon cœur les pamplemousses restèrent figés et cois.
« Écoutez bien, vulgaires pamplemousses. Écoutez qui était Marie. Un poney. Une loutre. Une licorne, un escargot. Elle était tout cela à la fois. Elle était à la fois mon amie, ma mère, ma sœur, ma fille et ma femme. Elle était ma vie, son origine et sa fin. Comment puis-je vivre sans elle ? Comment puis-je à nouveau regarder le ciel et penser à elle sans mourir de tristesse ? Comment puis-je à nouveau me réveiller sans l'avoir à mes côtés sans mourir de désespoir ? Comment puis-je à nouveau sortir de chez moi et avoir l'impression de la voir devant moi sans mourir de mélancolie ? Ah ! Comme elle était douce... comme elle sera douce quand je la reverrai, là-haut. Mais je ne peux partir dès à présent. Eh ! J'ai d'abord à lui dire au-revoir ici. »
Les pamplemousses étaient attentifs, mais leurs petits yeux me fixaient avec une lueur que je n'appréciais pas.
« Et vous deux, là. Oh ! C'est à cause de vous que Marie est morte. C'est à cause de vous et vous seuls que son doux visage aux traits fins ne portera bientôt plus ses yeux verts. C'est à cause de vous qu'elle est morte. Je prie pour que Dieu vous en fasse payer le prix. »
« Pourquoi l'aimais-tu ? »
Soufflé par tant de culot, je les regardai lentement et criai :
« Taisez-vous ! Taisez-vous ! Restez cois ! Cessez, cessez... Je n'ai plus la force d'entendre vos questions. »
Dépités, ils se retournèrent finalement et se dirigèrent vers une ruelle non loin. Alors qu'ils marchaient, je repris la parole.
« Je l'aimais... car elle était là pour moi. Car la clarté de ses paroles rehaussait le pâle de ses joues et augmentait le plaisir de toute discussion. Car son rire cristallin résonnait dans ma tête et agrémentait mes saillies maladroites. Car elle savait quand rire et quand me remettre dans le droit chemin, car elle savait quand j'allais mal et qu'elle savait me faire oublier ma souffrance. N'est-ce pas beau, après tout, d'avoir Babar... euh, Dadar parmi nous, pamplemousses ? N'était-ce pas une période heureuse ? Ne sommes-nous pas désœuvrés sans elle ? Ne sommes-nous pas perdus quand elle n'est pas là ? Ne suis-je pas... réduit à néant... par sa mort ? »
Les flots de peurs remontaient dans le même temps que ma voix s'aiguisait et qu'elle se faisait plus criante, plus stridente.
« Je ne sais que dire, mais je l'aimais. Je ne peux la laisser partir comme vous le faites avec les autres membres de notre clan. Je ne peux me résoudre à la voir disparaître sans avoir pu de nouveau manger mon sucre, bu à ma fontaine de jouvence et enlacé mes tendres arbres piverts. Je ne peux... je ne peux l'accepter. Allez, à présent. Allez, je vous en prie, annoncer la nouvelle. Allez la faire pleurer. Je ne veux pas qu'elle parte sans être aimée. Je ne veux pas qu'elle ignore la puissance du lien unissant tous les membres de notre clan. Je ne veux pas qu'elle oublie le pacte que nous avons passé tous ensemble. Je ne veux pas qu'elle oublie notre mariage. Je ne veux pas qu'elle oublie... tant de choses... Ah ! Comme mes journées étaient claires lorsque je lisais un de ses textes ! Comme mon visage s'épanouissait, comme mes yeux s'ouvraient, comme mes pommettes se tendaient dans la lumière du petit matin ! Mais cette époque est révolue, volée par le destin, volée par ce sol en béton, volée par Dieu. Et cette nostalgie que je ressens, je l'abhorre. Je ne veux pas me rappeler ainsi de ma douce et tendre. Qui souhaite se souvenir de sa dulcinée ? Qui souhaite l'oublier ? Tous ne prient que pour la vivre. Mais cela m'est à présent impossible. Elle m'a été ravie, et aucun plombier ne pourra m'aider... Adieu, Marie. Adieu, Ô textes divins. Adieu, Ô chaleur de la loutricornescargot. Adieu, Darling. Je... »
Ma voix fut submergée par les émotions, et je tombai aux côtés du corps de Marie. Je l'entendais chantonner, heureuse comme lorsque nous passions une journée ensemble.
« Stop making the eyes at me, I'll stop making the eyes at you
And what it is that surprises me is that I don't really want you to
And your shoulders are frozen
Oh, but you're an explosion
Your name isn't Rio, but I don't care for sand
And lighting the fuse might result in a bang, b-b-bang, go!
I bet that you look good on the dancefloor
I don't know if you're looking for romance or
I don't know what you're looking for
I said*, I bet that you look good on the dancefloor
Dancing to electro-pop like a robot from 1984
From 1984! »
Sourire aux lèvres, je me rappelai ce doux instant et fermai les yeux, ma tête contre la sienne, laissant couler mes abondantes larmes.
« Un jour, je t'emmènerai à cet endroit où les souhaits deviennent réalité, et nous nous reverrons... C'est une promesse... »
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